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[Lect. V.]
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RIG-VÉDA. — SECTION DEUXIÈME.
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des coursiers azurés, de ces ondes unies au Soleil dans le séjour céleste, t’a formée, douce liqueur d’immortalité[1] !

13. « J’appelle tous ces quatre-vingt-dix torrents que forment ces vapeurs. Le (dieu) que portent des coursiers azurés, de ces ondes unies au Soleil dans le séjour céleste, t’a formée, douce liqueur d’immortalité !

14. « Ainsi (d’un côté) les vingt et une flammes aux nuances de paon, (de l’autre) les sept sœurs aux flots rapides, de même que des urnes reçoivent l’eau, se saisissent de tes ondes, (douce liqueur d’immortalité)[2] !

15. « Moi, Couchoumbhaca[3], avec la foudre je fends ces vapeurs, et elles roulent en ondes jusque dans les régions du ciel les plus éloignées. »

16. Ainsi parla Couchoumbhaca : nous avons redit ses paroles. Le venin du scorpion[4] est devenu innocent. Ô scorpion, ton venin est innocent !


HYMNE IX.

À Agni, par Gritsamada, fils de Sounahotra, de la famille d’Angiras.

(Mètre : Djagatî.)

1. Agni (dieu), pur et lumineux, maître des hommes, tu nais environné de splendeurs, de libations, de coupes, de bois et de plantes.

2. Pour (l’homme) qui veut honorer les dieux aux jours favorables, ô Agni, tu diriges l’holocauste, les libations, les cérémonies, et surveilles le feu. Tu es le héraut, le prêtre, le pontife ; tu es pour nous un maître de maison.

3. Tu es pour les hommes pieux le généreux Indra ; tu es l’illustre Vichnou, toujours adorable ; tu es le pontife opulent, le maître de la chose sacrée, le soutien de tous les êtres, le compagnon de toutes les prières.

4. Agni, tu es le royal Varouna, tu es Mitra si ferme dans ses œuvres, (dieu) secourable, et digne de nos chants. Tu es Aryaman, le maître de la piété, un reflet, une forme (du Soleil) ; dans le sacrifice tu es, ô dieu, un bienfaiteur.

5. Agni, tu es Twachtri ; les (Prières) sont tes épouses, et ton serviteur trouve en toi un ami puissant, un parent fidèle qui fait sa force. Magnifique et vivement empressé, tu donnes et de nombreux et de vaillants coursiers.

6. Agni, tu es Roudra qui règne dans les airs, et dispenses la vie[5] ; tu es la force des Marouts et le maître des offrandes. Tes coursiers rougeâtres sont aussi rapides que les vents. En toi réside la prospérité ; tu es Poûchan, et tu sais protéger tes serviteurs.

7. Agni, pour (l’homme) qui t’honore, tu es Dravinodâs[6]. Tu es le divin Savitri, et l’auteur de toute opulence. Roi des hommes, tu es Bhaga, tu règnes par la richesse, et tu gardes dans ta demeure celui qui te vénère.

8. Agni, le peuple t’adore, dans son foyer, comme son souverain, comme un roi bienveillant. (Dieu) aux brillantes clartés, tu es le maître de tout ;

  1. Voy. page 61, col. 1, note 4.
  2. La note 6, p. 164, c. 2, rend compte des vingt et une flammes ; la note 3, p. 61, c. 1, nous apprend ce que l’on entend par les sept rivières. Les rayons du soleil, d’un côté, pompent les vapeurs ; ces vapeurs retombent en pluie, et sont, d’un autre côté, reçues par les rivières : tel est, ce me semble, le sens de ce passage.
  3. Quel est ce personnage de Couchoumbhaca ? Je suppose que c’est Indra, le dieu qui met l’ordre dans le monde, et dont la foudre doit séparer les nuages pour en extraire l’eau, comme il est dit dans ce vers. Le commentateur semblerait croire que c’est un Asoura, chef présumé des ténèbres. On peut encore penser que ce personnage est ici joué par le poëte Agastya, agissant en vertu du sacrifice, et détruisant les maléfices par une espèce de viâya ou de charme, pour former une pluie bienfaisante ; de sorte que le Couchoumbhaca serait le nom donné au prêtre qui fait une conjuration dont le résultat doit être salutaire. Ma première explication me paraît plus naturelle. Couchoumbhaca et Harichthas, suivant moi, sont une même personne. Dans le cas où l’on admettrait la fonction du Couchoumbhaca, au lieu de la foudre il faudrait mettre la coupe du sacrifice.
  4. Métaphore qui indique que les vapeurs de la nuit sont devenues une onde bienfaisante. Je me suis observé dans la traduction de cet hymne, pour n’employer aucune expression qui pût rappeler des légendes que je crois plus modernes que le Rig-Véda, et qui en sont comme le commentaire poétique. Ainsi, j’ai évité de rendre le mot vicham par poison, parce que je serais entré dans l’esprit de ces auteurs qui représentent les vapeurs comme le poison des serpents de la nuit. Or, ces serpents, ce sont les nuages qui serpentent sur le ciel. Le soleil, comparé à un oiseau, devient Garouda, et fait la guerre à ces serpents. L’hymne que je viens de traduire ne m’a point paru présenter de semblables idées : c’est ce qui doit faire rejeter, avec encore plus de confiance, une pièce ici intercalée, où il est question de cette race de serpents célestes. Le premier mandala (voy. page 41, col. 1, note i) finit en cet endroit ; il paraît que le copiste a l’habitude de clore ainsi chaque mandala par une pièce de son invention, dont il n’est point question dans le commentaire, et qui d’ailleurs se trahit elle-même par son style moderne. Le second mandala porte le nom de Gritsamada. Le premier était celui des cent Richis.
  5. Le poëte dit Asoura.
  6. Nom d’Agni, qui donne des richesses.