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[Lect. V.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

heureusement. Ô Vrihaspati, tu ne donnes pas tes biens à l’impie ; tu aimes l’homme qui t’apporte des offrandes.

6. Tu es la voie verdoyante de l’heureux voyageur ; tu es aussi l’ami empressé de l’infortuné. Couvre de ta protection les (hommes) vertueux qui nous aiment ; ils se présentent pour obtenir tes secours.

7. Comme (le sujet) va vers son maître, comme les fleuves coulent vers la mer, de même les hymnes (se dirigent) vers Vrihaspati. Ce (dieu) est sage, et, tel que le vautour au milieu des airs, il voit et les ondes et le moyen d’y arriver.

8. Ainsi Vrihaspati est grand, fort, puissant et généreux. Loué par nous, qu’il nous accorde une heureuse fécondité parmi les hommes, parmi les vaches. Que nous connaissions la prospérité, la force et l’heureuse vieillesse !


HYMNE VIII.

Aux Âpris du Soleil[1], par Agastya.

(Mètres : Anouchtoubh, Pankti, Vrihati et Djagatî.)

1. (L’être) qui marche est comme arrêté au sein de noires vapeurs. Les Ténèbres[2] ont enveloppé les deux flambeaux lumineux[3].

2. Mais voici que (l’Aurore) vient, et détruit ces Ténèbres ; elle arrive de l’extrémité du ciel, elle les abat et les réduit en poussière.

3. Les Saras, les Cousaras, les Darbhas, les Sêryas, les Môndjas, les Verinas[4], tout se trouvait invisible, et enveloppé de ces Ténèbres.

4. Les vaches étaient retirées dans leurs étables, les hôtes des forêts dans leurs repaires ; les hommes étaient engourdis, tous enveloppés par ces Ténèbres.

5. Mais ces Ténèbres ont été trahies par le matin, telles que des voleurs. Ô Ténèbres, vous avez vu la lumière[5], et tous êtes sorties de votre sommeil.

6. Vous avez le Ciel pour père, la Terre pour mère, Soma[6] pour votre frère, Aditi pour sœur. Ô Ténèbres, vous avez vu la lumière ; levez-vous, et rentrez heureusement (dans votre séjour).

7. Mutilées, coupées par morceaux, effilées comme des aiguilles, allez, ô Ténèbres, et délivrez-nous de votre présence !

8. À l’orient le Soleil se lève à la vue de tous ; il tue les Ténèbres, il dévore toutes ces noires vapeurs, issues de génies malfaisants[7].

9. Oui, le Soleil se lève pour détruire beaucoup (de maux) ; c’est Aditya venant avec les Vents se montrer à tous, et tuer les Ténèbres.

10. (Couchoumbhaca parle.) « Que ces vapeurs à ma voix s’étendent sur le Soleil, telles que ces tentes dont est couverte la demeure de l’homme qui distribue de douces liqueurs[8]. Comme le Soleil, que nous soyons immortels ! Le (dieu) que portent des coursiers azurés, de ces ondes unies au Soleil dans le séjour céleste, t’a formée, douce liqueur d’immortalité[9] !

11. « Tel qu’un magnifique oiseau, (il s’élève) et absorbe tes vapeurs. Comme le Soleil, que nous soyons immortels ! Le (dieu) que portent des coursiers azurés, de ces ondes unies au Soleil dans le séjour céleste, t’a formée, douce liqueur d’immortalité !

12. « Que ses vingt et une (flammes) aux teintes variées[10] dévorent la substance de ces vapeurs. Ces (flammes) ne meurent point ; comme elles, que nous soyons immortels ! Le (dieu) que portent

  1. Voy., pour le mot âpri, page 47, col. 2, note 1. L’explication de ce mot doit être ici modifiée ; le soleil tient la place d’Agni.
  2. Je suppose que le poëte désigne ici Agni et le soleil, le feu du sacrifice et le feu solaire. L’hymne représente l’état du ciel avant que le sacrifice commence.
  3. Ce que j’appelle ténèbres, par une espèce d’hypallage, est appelé dans le texte les invisibles.
  4. Voici les noms de ces plantes : sara, saccharum sara, vulg. saraharî ; cousara, espèce de mauvais sara, creux ; darbha, autrement cousa, poa cynosuroïdes ; sênya, ou sêrya, barleria cristata, autrement aswabâla, saccharum spontaneum ; moundja (saccharum munja) ; virana (andropogon muricatum).
  5. Il y a ici une antithèse que je ne reproduis pas : les invisibles ont été vus.
  6. Ces ténèbres sont formées par des vapeurs semblables à celles que le poëte suppose ailleurs issues de l’offrande du soma. Je ne pense pas, avec le commentaire, que le Soma soit ici la lune, séjour des vapeurs ténébreuses de la nuit : il semble même que ce séjour soit plutôt le soleil.
  7. Ces génies s’appellent yâtoudhânas.
  8. Le mot rendu par cette périphrase est souravan. Le soleil doit envoyer en pluie les vapeurs qui s’élèvent vers lui ; il les recueille, et ressemble à ces hommes qui distribuent, sous une tente qui met les buveurs à l’abri des chaleurs du jour, des boissons spiritueuses (soura).
  9. Cette liqueur est la pluie elle-même, qui prolonge la vie de l’homme en donnant à la terre une heureuse fécondité. Le dieu qui la forme, c’est Indra.
  10. Nous avons vu que ce nombre vingt et un était formé de trois fois les sept langues ou rayons d’Agni. Si le nombre trois n’est pas formé par celui des savanas, il l’est peut-être par celui des trois couleurs qui composent la teinte des rayons, savoir, le rouge, le noir et le blanc.