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[Lect. II.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

(Aurores) nous accordent de longs jours, et une heureuse quantité et d’orge et de vaches !


HYMNE V.

À Agni, par Dîrghatamas.

(Mètres : Atyachtî et Trichtoubh.)

1. Le dieu, en prenant une forme apparente, se distingue par sa substance lumineuse, qu’il doit à la Force dont il est né[1]. Une fois produit, il est fortifié par la Prière, et les voies du sacrifice le soutiennent et l’accompagnent.

2. Les offrandes constituent une de ses formes[2]. Nos libations la perpétuent dans le foyer où il réside. Une autre de ses formes existe au sein des sept heureuses mères[3]. Une troisième est le (Soleil même), souverain des dix (régions célestes)[4], que (les prêtres) engendrent et nourrissent[5] pour extraire le lait de (ses rayons) généreux.

3. Quand les seigneurs et maîtres du sacrifice ont, par le moyen de la Force, tiré Agni de l’asile où gisait sa forme auguste ; quand ils l’ont, suivant l’antique usage, alimenté du miel des libations, Mâtariswan vient dans le foyer exciter son ardeur.

4. Cependant les diverses offrandes du père (de famille) sont apportées, et Agni monte rapidement dans les branchages du bûcher. Ce n’est plus alors la jeune et faible lueur qui brillait, quand ses deux (mères) venaient de lui donner le jour.

5. Bientôt il pénètre dans les (branches) encore intactes, et qui sont (comme) ses mères[6]; il s’étend, il s’élargit. Il envahit d’abord les plus élevées, et, toujours pressé, il va plus bas en attaquer de nouvelles.

6. Alors (les hommes) par leurs offrandes et leurs hommages honorent (Agni) sacrificateur, qui est comme Bhaga dans les régions célestes, en le voyant avec force et avec majesté s’approcher des Dévas (immortels), et venir recueillir les louanges des humains.

7. Mais voici que l’adorable (Agni) a changé de forme ; agité par le vent, il a courbé sa taille, et produit en résonnant des espèces de tourbillons. Toujours brillant, il brûle en divisant ses voies, et en laissant des traces noires de son passage.

8. Partant comme un char, il se dresse en crêtes rougeâtres, dont il va frapper le ciel. Aussitôt, loin de sa clarté, fuient les ténèbres, de même que les oiseaux se cachent des chaleurs du soleil.

9. Par toi, ô Agni, apparaissent et Varouna qui aime le beurre consacré, et Mitra, et le bienfaisant Aryaman. Dans tes œuvres successives, tu sembles te multiplier ; tu t’entoures d’autres êtres, comme la roue de ses rayons.

10. Agni, en faveur de l’homme qui t’adresse des hymnes et de précieuses libations, (dieu) toujours jeune, tu viens à cette fête, célébrée en l’honneur des dieux. Enfant de la Force, source de tout bien, (dieu) nouveau, nous t’honorons comme Bhaga dans l’œuvre du sacrifice.

11. (Maître des pieuses cérémonies), rends-nous favorable Damoûnas, (ce dieu) notre soutien, qui est pour nous tel qu’un riche trésor, ou tel que le généreux Bhaga. Celui qui sait gouverner les deux mères d’Agni, ainsi que les rênes (d’un char), doit savoir aussi diriger, au moment du sacrifice, les louanges qui s’adressent aux dieux.

12. Qu’il nous entende, le (dieu) sacrificateur, aux belles clartés, aux chevaux rapides, au char magnifique ! que l’heureux et prudent Agni se rende à nos vœux, et nous conduise rapidement vers le bonheur et la richesse !

13. Nous avons célébré Agni, qui, par la vertu de ses feux puissants, est vraiment roi souverain. Que nos princes, que nous-mêmes, nous propagions notre race, comme le soleil grossit le nuage !


HYMNE VI.

À divers dieux, surnommés Apris[7], par Dîrghatamas.

(Mètre : Anouchtoubh.)

1. Agni, (surnommé) Samiddha[8], amène aujourd’hui les dieux vers celui qui lève la cuiller

  1. Nous savons qu’Agni est nommé l’enfant de la force, à raison des efforts que l’on a faits pour l’extraire de l’aranî.
  2. Nous rappelons au lecteur qu’Agni est quelquefois considéré sous trois rapports : comme feu du sacrifice, comme feu éthéré, védyouta, comme feu solaire.
  3. Ces sept mères, suivant le commentaire, ce sont les sept vents qui amènent les nuages, où réside le feu éthéré, le feu de l’éclair et de la foudre.
  4. On compte dix points de l’horizon ; et le soleil, en parcourant le ciel, règne sur ces dix régions.
  5. Nous avons vu tout à l’heure comment le soleil était l’enfant du sacrifice, et, par conséquent, le nourrisson des prêtres.
  6. Le texte porte seulement le mot de mères. Le commentateur l’entend des dix régions célestes ; il semble comprendre que le feu s’étend dans l’air, et entre en possession de l’atmosphère, ainsi, plus haut, on disait que le soleil était le maître des dix régions, c’est-à-dire du ciel entier. Je n’ai pas cru pouvoir adopter ce sens ; je n’ai pas vu dans cette phrase les régions de l’est et de l’ouest ; j’y ai vu les branches supérieures et inférieures qui composent le bûcher, et que gagne successivement le feu.
  7. Voyez, pour ce mot et pour l’hymne entier, la section 1, lecture i, hymne 13.
  8. L’épithète sousamiddha remplace, dans la section I, celle de samiddha qui signifie enflammé.