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[Lect. VIII.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE

déposé dans son palais Bhoudjyou, monté sur votre navire aux cent gouvernails.

6. Ô Aswins, le cheval blanc que vous avez une fois donné au cavalier (que vous chérissez), est pour lui une continuelle bénédiction. Ce fut là, de votre part, un don merveilleux et mémorable. Nous devons souhaiter pour nous le coursier de votre serviteur Pédou[1].

7. Ô maîtres, l’enfant de Padjra[2], Cakchîvân, chanta vos louanges, et obtint de vous la sagesse. Vous avez du sabot d’un étalon, comme d’un filtre, tiré des centaines de vases[3] de liqueur.

8. Vous avez par (une onde) fraîche éteint l’incendie (qui dévorait Atri)[4]; vous avez donné à ce Richi une nourriture qui a relevé ses forces. Aswins, il était renfermé dans une horrible (prison) ; vous l’en avez retiré, et vous l’avez comblé d’un bonheur qui charme tous les sens.

9. (Dieux) véridiques, vous avez de ses fondements soulevé un puits, et, lui donnant un escalier facile, vous avez satisfait la soif de Gotama : vous avez ouvert pour lui comme une source abondante de félicité[5].

10. (Dieux) véridiques et secourables, Tchyavâna était vieux : vous l’avez dépouillé de son corps comme d’une (ancienne) cuirasse. Vous l’avez rendu jeune ; il était sans famille, vous lui avez donné de jeunes épouses[6].

11. Maîtres véridiques, il est de vous un trait qui doit être célébré, exalté par nos louanges ; une action qui doit nous faire désirer votre protection. Sachant que Bandana (avait été jeté dans un puits), tel qu’un trésor que l’on a caché à la vue de tous, vous l’en avez retiré[7].

12. Ô Maîtres ! je veux aussi révéler (aux mortels qui désirent) la fortune, une de vos œuvres difficiles : (ma voix est) comme le tonnerre (qui annonce) la pluie. C’est à vous que Dadhyantch, fils d’Atharvan, a offert le miel de ses chants ; c’est par vous que sa tête de cheval a opéré des merveilles[8].

13. (Dieux) puissants et véridiques, (dieux) aux grands bras, Pourandhi[9] vous invoqua dans l’hymne du sacrifice. Comme (le disciple entend la voix) de son maître, vous avez entendu la prière de cette femme qui avait pour époux un eunuque : ô Aswins, vous lui avez donné (un fils), Hiranyahasta.

14. (Dieux) véridiques, un passereau courait le risque d’être dévoré par un loup : vous l’avez arraché de sa gueule[10]. (Dieux) aux grands bras, un Richi[11] a chanté vos louanges, et vous l’avez rendu à la lumière.

15. Tel que l’aile d’un oiseau, le pied de l’épouse de Khéla avait été cassé dans un combat. Aussitôt vous avez donné à Vispalâ une jambe de fer, qui devait la porter dans la bataille suivante[12].

16. Ridjrâswa mettait en pièces cent béliers, (pour les offrir) à une louve ; son père le rendit aveugle. Vous lui avez restitué la vue, (dieux) véridiques et secourables, (dieux) médecins[13].

  1. Un favori des Aswins, Pédou, reçut d’eux un cheval blanc qui le rendit victorieux dans les combats.
  2. Voy. p. 73, c. 2, note 6. Les Padjras étaient des descendants d’Angiras. Il faut croire que le père de Cakchîvân était de cette famille. Il faut distinguer deux Cakchîvân : l’un, moderne, fils de Padjra ; l’autre, ancien, fils d’Ousidj. Voy. p. 50, c. 1, note 2. Cakchîvân aveugle pria les Aswins, et obtint la sagesse.
  3. Ces vases s’appellent coumbha. Le filtre, cârotara, est, suivant le commentaire, un panier d’osier revêtu de peau, où l’on verse la liqueur (sourâ).
  4. Voy. page 73, col. 1, note 2. Il me semble que la légende d’Atri représente la saison des pluies venant succéder à la saison des chaleurs. Les saisons sont au nombre de six, et quelquefois on n’en compte que trois, en les accouplant deux à deux. Les poëtes, comptant les jours de l’année en nombre rond, n’en admettent que trois cents, dont le tiers est cent pour deux saisons ; c’est le nombre des portes de cette maison de peine où les Asouras renferment Atri. Les six saisons sont : le Vâsanta et le Grêchma, le Vârchica et le Sârada, l’Hêmantica et le Sêsira, correspondant, les deux premières, aux mois védiques, Madhou, Mâdhava, Soucra et Soutchi ; les deux secondes, aux mois Nabhar, Nabhasya, Icha et Oûrdja ; et les deux dernières, aux mois Sahas, Sahasya, Tapas et Tapasya.
  5. Ce miracle est attribué aux Marouts, lecture vi, hymne 5, et plus bas hymne 8. Pour Gotama, voy. p. 79), col. 1, note 1 ; et page 93, col. 1, note 2.
  6. Tchyavâna est un Richi qui épousa la fille d’un prince nommé Sâryâta. Le passage présent donne à ce Richi plusieurs épouses. Peu importe ; car Tchyavâna ne me paraît pas un personnage historique. C’est le soleil tombant, le vieux soleil, rajeunissant pour épouser l’année suivante ou la journée du lendemain.
  7. Voy. p. 109, c. 1, note 5. Le Richi Bandana fut, dans une forêt déserte, jeté par les Asouras au fond d’un puits, et sauvé par les Aswins. C’est encore, je crois, une personnification de la libation.
  8. Voy. p. 90, c. 1, note 2 ; et p. 92, c. 1, note 1. Ce passage ne confirme-t-il pas l’explication que j’ai donnée de la légende de Dadhyantch ?
  9. Ce mot Pourandhi m’a paru être le nom propre d’une fille de Râdjarchi. Cette légende me semble encore allégorique : le mot Hiranyahasta signifie au bras ou au rayon d’or, épithète d’Agni ou du soleil.
  10. Voy. p. 105, c. 2, note 3 ; et p. 106, c. 1, note 2.
  11. C’est Cakchîvân, cité au vers 4 de l’hymne 18 de la VIIe lecture ; ou Parâvridj, cité au vers 8 du même hymne ; ou Canwa, comme nous le verrons au vers 8 de l’hymne suivant.
  12. Voyez la mention de ce fait, p. 109, c. 2, note 14.
  13. Ridjrâswa, déjà nommé (voy. p. 102, c. 1, note 2), est un Râdjarchi, fils de Vrichâgiri ; il immolait cent brebis pour les donner à une louve, qui n’était qu’une métamorphose de l’âne des Aswins. Son père le maudit et le priva de la vue, que les Aswins lui rendirent.