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[Lect. VIII.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

15. Elle apporte les biens nécessaires à la vie de l’homme, elle déploie un étendard brillant ; elle nous appelle, pareille aux Aurores qui l’ont toujours précédée, pareille aux Aurores qui la suivront toujours.

16. Levez-vous ; l’esprit vital est venu pour nous. L’obscurité s’éloigne, la lumière s’avance ; elle prépare au soleil la voie qu’il doit parcourir. Nous allons reprendre les travaux qui soutiennent la vie.

17. Le ministre du sacrifice élève la voix pour célébrer en vers les lumières de l’Aurore. Loin des yeux de celui qui te loue, repousse l’obscurité ; Aurore, bénis, en les éclairant de tes rayons, le père de famille et ses enfants.

18. Le mortel qui t’honore voit briller pour lui des Aurores qui multiplient ses vaches et lui donnent des enfants vigoureux. Puisse celui qui t’offre ces libations accompagnées de la prière (qui résonne) comme un vent (favorable), puisse-t-il obtenir des Aurores fécondes en beaux coursiers !

19. Mère des dieux[1], œil de la terre[2], messagère du sacrifice, noble Aurore, brille pour nous ; approuve nos vœux, et répands sur nous ta lumière. Toi qui fais la joie de tous, rends-nous fameux parmi les nôtres.

20. Les biens divers qu’apportent les Aurores sont le partage de celui qui les honore et qui les chante. Qu’ils nous protègent également, Mitra, Varouna, Aditi, la Mer, la Terre et le Ciel.


HYMNE II.

À Roudra, par Coutsa.

(Mètres : Djagatî et Trichtoubh.)

1. Nous adressons l’offrande de ces prières au puissant Roudra[3], qui est le refuge des hommes ; (à Roudra), qui est distingué par sa chevelure[4]. Bien portant soit en ce canton tout (être aimé), bipède ou quadrupède ! Que tout ce qui vit y soit exempt de mal !

2. Sois bon pour nous, ô Roudra, et fais notre félicité ! Nous t’honorons, nous te bénissons, toi qui es le refuge des hommes. Et cette part de bonheur que Manou, notre père, nous a assurée par ses sacrifices, ô Roudra, que nous l’obtenions par toi !

3. Par la vertu du divin sacrifice, que nous obtenions ta faveur, ô Roudra, toi qui es le refuge des hommes, et qui donnes la pluie. Viens vers notre peuple pour faire son bonheur : puissions-nous, sains et bien portants, t’offrir notre holocauste !

4. Nous appelons à notre secours le sage et brillant Roudra, ce (dieu) à la marche oblique[5], qui consomme le sacrifice. Qu’il écarte loin de nous la colère du ciel ! C’est sa faveur que nous souhaitons.

5. Nous invoquons, en l’honorant, le sanglier[6] céleste, aux formes rougeâtres, ce (dieu) éblouissant, distingué par sa chevelure. Sa main nous présente de précieux spécifiques. Qu’il nous donne nourriture, vêtement et maison !

6. En l’honneur du père[7] des Marouts, et pour augmenter la gloire de Roudra, nous chantons cet hymne, que rien n’égale en douceur. (Dieu) immortel, accorde-nous la nourriture des mortels. Sois bon pour moi, pour mon fils et mon petit-fils.

7. Épargne parmi nous le vieillard et l’enfant, le père et le fils. Épargne celui et celle qui nous ont donné le jour ; ô Roudra, abstiens-toi de frapper les personnes qui nous sont chères !

8. Ô Roudra, grâce pour nos fils et nos petits-fils ! grâce pour nos gens, pour nos vaches et nos chevaux ! Dans ta colère, ne frappe pas nos guerriers. Nous t’invoquons sans cesse, et t’offrons l’holocauste.

  1. Elle est la mère des dieux, dans ce sens qu’avec elle tous les dieux recommencent à agir, chacun dans le domaine qui lui est propre. Elle semble, chaque jour, les enfanter de nouveau.
  2. Le texte porte le mot Aditi ; c’est le nom sous lequel est personnifiée toute la nature.
  3. Roudra est le personnage mythologique qui, plus tard, a été mieux connu sous le nom euphémique de Siva ; car le mot Roudra, dont le commentateur donne au moins dix explications, implique l’idée de pleurs et de cris. De même qu’Indra représente l’élément âcâsa ou éther, Roudra est la personnification de l’air, souffle de vie et de mort pour les êtres animés, et souvent agité par les vents. Voilà pourquoi Roudra est regardé comme leur père et leur chef.
  4. Cette épithète capardin est devenue un des noms de Siva. Roudra l’avait reçue des poëtes, qui voulaient ainsi dépeindre l’état de l’air couvert de nuages légers, qui semblent lui former une espèce de chevelure.
  5. Cette idée est employée pour tous les êtres qui ont une marche circulaire et périodique. Roudra, autrement dit l’air, semble suivre la même marche que le ciel et le soleil.
  6. Ce mot rappelle le nom d’un des avatares de Vichnou. Roudra est ainsi nommé à cause de la violence des vents, ou de la couleur noire des nuages.
  7. C’est-à-dire Roudra, en tant qu’il est le dieu de l’air ; car c’est plus tard que fut inventé le conte pouranique de la naissance des vents au sein de Diti. Coupés en quarante-huit parties par la foudre d’Indra, ils criaient. Siva (c’est le même que Roudra) et sa femme les entendirent : celle-ci souhaita d’avoir une semblable progéniture, et les Marouts devinrent fils de Siva et de Parvatî, c’est-à-dire de l’air et de la terre.