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introduction

sciemment pour le rendre plus agréable à ses auditeurs, et qui aura encore la plupart du temps à subir les remaniements des générations suivantes.

Dans l’histoire le théâtre de la guerre est sous les murs de Salerne, dans la chanson il est près de Rome. Mais, d’abord, on sait que les trouvères ne se piquaient pas d’une grande exactitude géographique dans leurs récits. Pour eux le siège du pape était un centre où venaient se grouper tous les évènements qui se passaient au-delà de Montjeu. Le fait avait lieu en Italie, donc ce pouvait être près de Rome. Bien plus, en étudiant de près la seconde partie du Coronement Looïs, on reconnaît qu’à l’origine de la légende la scène n’était pas aussi près de Rome que dans la rédaction actuelle. En effet, Guillaume est arrivé à Rome en simple pèlerin, sans aucune pensée de combat, sans parler une seule fois des Sarrasins, sans songer à eux. Le pape lui-même n’en paraît pas davantage préoccupé, et rien ne ferait penser à l’ennemi, si, au moment où l’on s’y attend le moins, deux messagers n’arrivaient, annonçant que les infidèles viennent de prendre Capoue[1].

Les infidèles sont à Capoue, les chrétiens à Rome. Avant que les deux armées se rencontrent, on s’attend naturellement à les voir franchir l’espace qui les sépare. Eh bien, il n’en sera pas ainsi. Comme dans un rêve, où l’espace et le temps n’existent pas, où l’on commence dans un lieu une action que l’on continue dans un autre, sans s’apercevoir du change-

  1. Vers 325-332.