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la découverte de l’amérique

De Freydis

Freydis alla bientôt à sa demeure qui était restée intacte durant son absence. Elle distribua de grands cadeaux à tous ses compagnons, car elle était anxieuse de cacher ses crimes. Elle s’établit dans sa maison ; mais ses compagnons ne furent pas si muets au sujet de ses méchancetés et de ses méfaits, que les rumeurs n’en coururent à la longue. Elles atteignirent à la fin son frère Leif qui pensa que c’était une honteuse histoire. Il fit venir près de lui trois hommes qui avaient pris part à l’expédition avec Freydis et les força tous trois, au même moment, à une confession de l’affaire. Leurs récits concordèrent entièrement : « Je n’ai pas le cœur, dit Leif, de punir ma sœur Freydis comme elle le mérite, mais je lui prédis que ses rejetons ne jouiront pas d’une grande prospérité. » Chacun pensa qu’ils ne pouvaient pas être capables d’autre chose que de mal.

Reprenons l’histoire au moment où Karlsefni était prêt et prit la mer. Il eut une bonne traversée et arriva en Norvège sain et sauf. Il y resta durant l’hiver et y vendit ses marchandises. Lui et sa femme furent reçus en grande faveur par les hommes les plus distingués de Norvège. Au printemps, il arma son navire pour le voyage d’Islande. Alors que tout était paré et que le bateau était au port attendant un bon vent, il y vint un homme du Sud, natif de Brême, dans le pays des Saxons, qui désira acheter son « husanostra. »[1] : « Je ne veux pas le vendre, dit-il. » « Je t’en donnerai trois demi-marks d’or, dit l’homme du Sud ». Karlsefni pensa que c’était une bonne affaire et conclut le marché. L’homme du Sud alla son chemin avec le husanostra et Karlsefni ne sut pas dire en quel bois il était, mais c’était en « môsur »[2] venu du Vinland.

Karlsefni partit et arriva avec son navire dans le Nord de l’Islande, au Skajafjord. Son navire fut tiré sur la plage pendant

  1. Au sens propre ornements qui ornent les pignons des maisons par analogie probablement les piquets de tente travaillés.
  2. Voir une note précédente.