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Il faut de plus remarquer que dans les Sagas, la direction indiquée n’est pas celle de la course du navire, mais celle du vent. Il est toutefois assez probable que, dans la généralité des cas, les deux sont assez voisines, avec les navires normands, ainsi que nous l’avons dit dans la première partie. Cette condition nous approche de la vérité mais ne donne encore qu’une approximation.

En extrayant de la Saga d’Eirik (Flatey Bók) tout ce qui concerne les directions, nous obtenons les renseignements suivants :

Bjarni, parti de l’Islande, fait route trois jours vers le Groenland, donc vers l’Ouest. Il est pris par une tempête nord (donc chassé vers le Sud) et est drossé pendant beaucoup de « doegr ». Il se perd dans le brouillard et un beau matin aperçoit une terre qu’il n’assimile pas avec le Groenland. Il en approche et voit une côte peu accidentée, couverte de bois sur de petites collines. Il laisse cette terre à babord, en allant vers le Nord, avec l’écoute à bâbord, donc avec vent d’est ou sud-est.

Il navigue deux doegr et arrive en vue d’une deuxième terre qui est plate et boisée. Il pique en pleine mer, le dos à la terre, donc direction Nord ou Nord-Est. Il fait route trois doegr avec un fort vent du Sud-Ouest et aperçoit une troisième terre. Celle-là est haute, montagneuse et couverte de neige. En approchant, il se rend compte que c’est une île et reprend la mer avec le même vent Sud-Ouest, donc marche vers le Nord ou le Nord-Est.

Après quatre doegr, il aperçoit enfin le Groenland, où il touche près de Herjolfness, c’est-à-dire à un point situé au Sud des établissements de l’Est et proche du cap Farewell.

Essayons de reporter ces directions sur une carte, sans trop nous soucier des distances indiquées par la Saga, distances que nous savons peu exactes.

Bjarni a été surpris par le vent du Nord-Est, alors qu’il était entre l’Islande et le Groenland (voir fig. no ). Étant donné ces vents et la direction des courants, on peut estimer, et c’est l’avis unanime, qu’il a été poussé dans la région de Terre-Neuve. L’examen de la carte de l’Atlantique permet en effet de penser que, drossé plus au Sud, il n’eut jamais touché de terre et se fut