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Dieu ; quiconque se l’est acquise se présentera sans crainte au dernier jugement en disant, comme on lit dans un sermon attribué à saint Éloi : « Donne, Seigneur, parce que nous avons donné ! Da, Domine, quia dedimus !  » La puissance de l’argent est telle qu’elle crée la liberté du mal par cela même qu’elle en détruit les effets. Les hommes s’imaginent qu’il y a une compensation réglée pour les péchés, comme le wergeld compensait telle offense ou tel attentat et l’effaçait. Cette coutume germanique a été adoptée par l’Église comme les épreuves judiciaires, et déjà sont rédigés des livres pénitentiaires où la taxe des péchés est une véritable dispense de vertus.

La plus grande marque de l’impiété de ces païens parés des dehors du christianisme, c’est qu’ils réduisent Dieu et ses saints à la qualité de forces que l’homme peut subjuguer et employer à sa guise. On leur propose des marchés à tout instant. La femme d’un sacrilège frappé d’un mal terrible, pour avoir blasphémé contre un saint, demande à celui-ci la guérison du malade et dépose des présents dans son église ; le malade meurt et la veuve reprend ce qu’elle a donné, car elle n’a donné qu’à condition. La grand’mère d’un enfant qui vient de mourir porte le corps dans une église consacrée à saint Martin et où se trouvaient des reliques que sa famille avait été chercher à Tours. Elle explique au saint dans quelle espérance ses parents avaient fait un long voyage pour aller quérir ces précieux restes, et elle le menace, s’il ne ressuscite pas le mort, de ne plus courber le cou devant lui et de ne plus faire briller dans son église la lumière des cierges. Les prêtres mêmes prétendent exercer une contrainte sur leurs saints. Un officier du roi Sigebert avait pris possession d’un bien qui appartenait à l’église d’Aix. L’évêque, s’adressant au saint patron, lui dit : « Très glorieux, on n’allumera plus ici de cierges et l’on ne chantera plus de psaumes tant que tu n’auras pas vengé tes serviteurs de leurs ennemis et restitué à la sainte église les biens que l’on t’a volés. » Puis il met des épines sur le tombeau, des épines aux portes de l’église. Les saints mis en demeure de cette façon s’exécutent : saint Martin rend la vie au cadavre, et saint Métrias punit de mort le spoliateur. C’est l’Église qui, du haut de