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Elle demande à l’offensé d’accepter la composition, et elle aide au besoin l’offenseur à la payer. Elle révèle aux Barbares des sentiments inconnus, en exprimant l’horreur qu’elle éprouve pour le sang versé : Ecclesia abhorret a sanguine. Aux criminels et aux malheureux menacés d’un châtiment juste ou immérité, elle ouvre ses asiles, où elle les défend, non contre le juge, mais contre la violence immédiate, car le droit d’asile tel qu’il était alors pratiqué n’était pas une usurpation de l’Église sur la puissance publique : elle rendait les réfugiés après avoir reçu la promesse qu’ils seraient jugés régulièrement et les avoir assurés autant que possible contre la peine de mort.

L’Église a donc prononcé des paroles belles et douces, perpétué au milieu des violences le sentiment de la miséricorde, essuyé bien des larmes, épargné des tortures à la chair humaine. Elle a rappelé aux Barbares qu’ils avaient une âme que le péché mettait en péril. Remède de l’âme, cette expression qu’on lit dans les chartes de donation était bienfaisante. Le moyen le plus souvent employé d’assurer le remède à son âme était sans doute la libéralité envers l’Église : qu’importe ! Elle seule savait alors faire usage des richesses, puis il suffit que le remède ait été quelquefois l’affranchissement d’esclaves ou la fondation d’une œuvre de charité pour que l’humanité sache gré à ceux qui ont trouvé les mots remedium animæ. Mais ces mots nous livrent aussi le secret de la religion mérovingienne, égoïste, intéressée, reposant tout entière sur un calcul, aisément satisfaite par des pratiques extérieures et confondant l’acte pieux avec la piété. La nation des Francs s’imagine qu’elle est liée à Dieu par un contrat qui règle les devoirs réciproques. « Vive le Christ, qui aime les Francs ! » dit un prologue de la loi salique : cette exclamation, qu’on croirait poussée sur un champ de bataille après la victoire, signifie : « Vive le Christ, parce qu’il aime les Francs ! » Pourquoi les Francs s’attribuent-ils des droits à l’amour du Christ ? Parce qu’ils sont le peuple qui « a reconnu la sainteté du baptême et somptueusement orné les corps des martyrs d’or et de pierres précieuses ». Être baptisé, donner des tombeaux et des châsses aux reliques des saints, bâtir des églises et les enrichir, cela procure une créance sur