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au ciel, l’Église fit monter les martyrs et les saints. Martyrs et saints devinrent les compagnons de Dieu dans la gloire éternelle, mais en même temps ils demeurèrent attachés au point de la terre où ils avaient vécu. L’antique croyance populaire que l’âme des morts ne s’éloigne pas de leur dépouille avait produit chez les païens les rites naïfs du culte des morts ; elle a certainement contribué à produire chez les chrétiens le culte des martyrs. On s’imagina être tout près des saints quand on touchait leurs restes, et même cette opinion donna lieu à de singuliers scandales : en Égypte, il fallut défendre aux chrétiens de garder chez eux les corps des personnes réputées saintes, comme on gardait autrefois les corps des ancêtres ; ailleurs, il y avait des voleurs de corps saints, et une loi de Théodose interdit « d’exhumer les martyrs et de les vendre ». Pour éviter ces profanations, on transporta les reliques dans les églises, où on les plaça d’ordinaire sous les autels, et le culte des saints commença. Les chrétiens éclairés, les docteurs et les évêques prémunirent les fidèles contre les dangers d’une idolâtrie nouvelle ; aux polémistes païens qui leur reprochaient d’avoir troqué les idoles contre les martyrs, ils répondirent que l’Église honore ses saints pour proposer leur vie en exemple et qu’elle réserve l’adoration à Dieu seul ; mais la masse des hommes retrouvait les héros et les dieux d’autrefois dans ces personnages sacrés qu’elle invoquait par leur nom, dont elle savait l’histoire et dont elle touchait les tombeaux. Dans les églises placées sous l’invocation de tel ou tel bienheureux, les prières, au lieu de monter jusqu’à Dieu, s’arrêtèrent au médiateur, d’autant plus volontiers que celui-ci manifestait par des miracles plus fréquents sa puissance personnelle. La relation simple et directe de l’homme avec Dieu fut compliquée par cette multiplicité des intermédiaires et l’universel divin localisé.

[Illustration : La crypte de Jouarre. (Architecture mérovingienne.)]

En même temps, la simplicité du culte primitif était altérée par l’organisation d’un cérémonial solennel. Les modestes lieux de réunion où les premiers chrétiens priaient, prêchaient et célébraient la commémoration de la cène sont remplacés par des temples superbes divisés en deux parties : l’une, réservée aux fidèles ; l’autre, plus élevée, où le clergé siège sur des