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qui ne sortent de chez eux qu’après avoir consulté leurs astrologues ; des prodigues, caressants et bas quand ils veulent emprunter de l’argent, insolents lorsqu’il faut le rendre, et d’autres personnages de cette sorte, qui se retrouvent partout. A côté de ces travers, qui nous paraissent en somme assez légers, il signale des vices plus graves. Quelques-uns d’entre eux appartiennent plus particulièrement à la race romaine, et les moralistes des siècles passés les ont déjà révélés ; d’autres sont de tous les pays et de tous les temps, et puisque malheureusement aucune société humaine n’y échappe, il est naturel qu’on les rencontre aussi chez les gens du IVe siècle. Mais ce qui lui semble plus odieux que tout le reste, ce qui excite le plus souvent sa mauvaise humeur, c’est que les grands seigneurs romains manquent d’égards pour les lettrés et les sages. Ils réservent leurs faveurs à ceux qui les flattent bassement ou qui les amusent ; quant aux gens honnêtes et savants, on les tient pour ennuyeux et inutiles, et le maître d’hôtel les fait mettre sans façon à la porte de la salle à manger. Ces plaintes, nous les connaissons, elles ne sont pas nouvelles pour nous. Une des raisons sérieuses qu’a Juvénal de gronder son époque, c’est que le client romain, « qui a vu le jour sur l’Aventin et qui a été nourri dès son enfance de l’olive sabine », n’a pas d’aussi bonnes places que le parasite grec à la table du maître, qu’on ne lui sert pas les mêmes plats et qu’il n’y boit pas le même vin. Ammien sans doute a dû souffrir quelque humiliation de ce genre. Il est probable que, quand il revint de l’armée, où il s’était bien battu, et au moment où il commençait d’écrire l’histoire de ses campagnes, il ne fut pas reçu de tout le monde comme il croyait devoir l’être. Il en conclut naturellement qu’une société qui ne lui faisait pas toujours sa place ne tenait aucun compte du mérite. « Aujourd’hui, dit-il, le musicien a chassé de partout le philosophe ; l’orateur est remplacé par celui qui enseigne leur métier aux histrions ; les bibliothèques sont fermées et ressemblent à des sépulcres. » Il est difficile de croire que ces paroles sévères s’appliquent à des gens comme Symmaque et ses amis, qui aimaient tant les livres et tenaient les lettrés en si grand honneur. Mais Ammien semble recon-