Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/557

Cette page n’a pas encore été corrigée

autre pour acheter ; mais le diable en a une troisième, avec laquelle, suivant le proverbe, il leur aulnera les costez. Ils ne mettent leurs articles en étalage que dans les rues obscures, afin de tromper le public sur leur qualité (il faut se souvenir aussi que les rues claires n’abondaient pas) ; mais ils seront eux-mêmes privés de la lumière éternelle. » Les changeurs, les orfèvres, dont le grand pont de Paris est couvert, ourdissent des complots pour rendre vile la monnaie précieuse, et vice versa : c’est encore une manière de dépouiller les voyageurs et les passants. On en voit même qui trient les deniers les plus lourds pour en extraire de l’argent ; et non contents d’altérer les bons, ils en fabriquent de faux, qui seraient très difficiles à reconnaître s’ils n’étaient plus doux au toucher.

Mais de tous les crimes enfantés par l’esprit de négoce et de spéculation, il n’en est pas de plus grave, aux yeux de l’Église, que l’usure. La morale religieuse, comme la loi civile, du reste, se préoccupe sans cesse de la répression de cet abus, si répandu alors, et pourtant bien plus sévèrement jugé que de nos jours. L’usure est assimilée au vol pur et simple : il n’y a qu’un seul moyen de la réparer, c’est la restitution. La légitimité de l’intérêt n’est point admise en principe. Les usuriers sont des monstres dans la nature : Dieu a créé les cultivateurs, les clercs, les soldats ; mais c’est le diable qui a inventé cette quatrième catégorie. Aussi les exemples les plus effrayants, les histoires les plus saisissantes circulent-elles sur leur compte. Il est rare qu’ils veuillent abandonner au moment de la mort le fruit de leurs longues rapines, amassé avec tant d’acharnement : le remords les assiège, ils cherchent mille moyens d’expier leur avarice, ils font des prières, des aumônes ; mais enfin ils ne restituent pas, et ils expirent dans l’impénitence. Leur dépouille mortelle, dans ce cas, ne doit pas être ensevelie en terre chrétienne. Cette règle n’est cependant pas appliquée dans toute sa rigueur, comme l’indique le trait suivant. Un usurier, étant mort, fut mis dans le cercueil : mais, lorsqu’il s’agit de le transporter au cimetière, personne ne put le soulever ; la bière demeurait clouée au sol. Un ancien dit alors : « Vous savez que c’est la coutume, en cette ville, que chacun soit descendu