Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/508

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ronde, où les traditions celtiques, plus ou moins altérées, reçurent la forme romane, une mention spéciale est due aux poèmes intéressants composés en Angleterre, dans lesquels la poésie et l’histoire des Anglo-Saxons ont passé en vers français et ont ainsi été arrachées à l’oubli. J’ai parlé déjà de Geoffroi Gaimar, qui travaillait sur des sources en partie saxonnes ; la poésie est représentée par les beaux romans de Horn, d’Aerolf, de Havelok, de Waldef. Les Normands d’Angleterre jouèrent entre les Bretons et Saxons insulaires et le reste de l’Europe, par l’intermédiaire de la langue française, un rôle d’interprètes qui, dans l’histoire comparée des littératures, a une importance capitale.

Ce n’était pas seulement en Angleterre que les Français avaient porté leur langue avec leur puissance. Le sud de l’Italie et la Sicile avaient aussi pour rois des Normands, et là aussi la littérature française retrouva une patrie. Les descendants de Tancré de Hauteville aimèrent les plaisirs de l’esprit comme les descendants de Guillaume le Bâtard ; l’un d’eux, Guillaume le Bon, gendre de Henri II d’Angleterre, était lettré comme lui et réunissait également une cour brillante. Le sort qui nous a conservé l’ensemble de la littérature anglo-normande nous a ravi en majeure partie celle des Normands d’Italie ; cependant on peut leur attribuer avec certitude une grande part dans le cycle épique de Guillaume « au court nez », et nous avons gardé quelques traductions de livres historiques faites chez eux, un peu après notre période, dans un dialecte fortement italianisé. La poésie lyrique, qui brilla peu en Angleterre, paraît au contraire avoir fleuri en Sicile, et elle y détermina peut-être, au XIIIe siècle, autant que la poésie provençale, l’éclosion de la poésie italienne.

Plus à l’Orient, en Grèce, c’est le siècle suivant qui devait fonder une France nouvelle, malheureusement peu durable ; mais le XIIe siècle en s’ouvrant trouvait déjà en Palestine le royaume français de Jérusalem. Là aussi notre littérature fut non seulement goûtée, mais cultivée ; sans parler des textes juridiques si importants qui contiennent, dans une admirable langue, le code de la féodalité, c’est là qu’ont été sans doute