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cependant, spirituel, séduisant, pulcher homo. Cet homme charmant était d’ailleurs féroce : il fit couper le pouce à un notaire qui, dans un acte, avait écrit de travers une lettre du nom impérial ; il donna à deux malheureux un excellent repas, puis fit courir l’un et laissa s’endormir l’autre ; on les ouvrit alors, sous les yeux de l’empereur, curieux d’étudier le problème de la digestion[1].

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La parole de Joachim de Flore : ubi Spiritus Domini, ibi Libertas, s’était réalisée à la lettre. L’Italie, animée par l’attente d’une rénovation religieuse, porta tout d’un coup une étonnante floraison de doctrines, de sectes, de miracles et de prodiges de toutes sortes. Le premier, saint François, avec la puissance d’un créateur, avait rajeuni le christianisme ; cette fécondité d’invention ne s’était pas ralentie au temps de Salimbene, et, par lui, nous pouvons pénétrer dans la chrétienté la plus vivante qui fut jamais. Et, je le répète, si nous mettons à part les vues aventureuses du joachimisme, ici, nous n’avons pas affaire à des hérésies. Mais les plus scandaleux de ces chrétiens d’Italie se croient en règle avec le bon Dieu. Ils édifient librement, joyeusement leurs petites chapelles, leurs communions bizarres dans l’enceinte de la grande Église, qui les laisse faire quelque temps, puis ramène vivement à la ligne droite ceux qui s’en éloignent avec une belle humeur trop inquiétante.

Le groupe de Jean de Parme semble au complet dans la Chronique. La personne la plus singulière de ce groupe est assurément la sœur de Hugues de Digne — unius de majoribus clericis de mundo — sainte Doulcine. Elle avait le don de guérir ou même de ressusciter les petits enfants. Elle n’était pas entrée en religion, mais portait le cordon de saint François, et parcourait la Provence, suivie de quatre-vingts dames de Marseille. Elle entrait dans toutes églises des frères mineurs, où elle avait des extases. Elle y demeurait facilement les bras en l’air

  1. Cf. ci-dessus, p. 236 et s.