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Il mourut avec le renom d’un prophète, en odeur de sainteté. Henri VI, Richard Cœur-de-Lion, l’avaient consulté sur la venue de l’Antéchrist. L’Église le béatifia, et Dante l’a mis en son Paradis, dans le chœur des mystiques. Mais ses visions lui survécurent. Les Franciscains, dans les vingt années qui suivirent la mort de saint François, s’attachèrent à lui comme au précurseur de la religion nouvelle dont l’enfant d’Assise aurait été le Messie. On annonça, pour 1260, la fin de l’Église de Rome. On ajouta aux ouvrages vrais de Joachim toutes sortes de livres apocryphes et de prophéties où Frédéric II et sa descendance, le pape Innocent IV, saint François et saint Dominique et le vêtement même des ordres mendiants étaient clairement annoncés. Autour de Jean de Parme, général des Franciscains, se groupaient les plus ardents apôtres joachimites. L’un d’eux, Gérard de San Donnino, en son Liber introductorius ad Evangelium Æternum, résuma toute la doctrine de Joachim. L’Évangile Éternel, qui fut, en effet, une doctrine et non un livre, avait été jusque-là comme un texte idéal, la Bonne Nouvelle du Saint-Esprit, que chaque adepte portait secrètement en son cœur. Le jour où il devint un manifeste d’hérésie et un étendard révolutionnaire, l’Église et l’Université de Paris s’émurent et s’entendirent pour frapper la secte. L’opération fut très simple, tous les sectaires étant, au fond, de pieux catholiques. Jean de Parme abdiqua le généralat. Le pauvre Gérard de San Donnino pâtit pour tout le monde : on l’enferma dans un in pace.

Tout ceci se passait entre 1250 et 1255. Salimbene, tout novice, s’était fait joachimite, comme les autres. A Hyères, il avait reçu de Hugues de Digne, le chef de la secte pour la France, un prétendu commentaire de Joachim sur les quatre évangélistes, et l’avait copié à Aix. Après le jugement de condamnation, prononcé en 1255, par Alexandre IV, il était encore demeuré fidèle à la doctrine mystérieuse. Longtemps après, quand, vieux et désenchanté, il écrit sa Chronique, il rappelle à dix reprises et très bravement, qu’il a été jadis « grand joachimite, magnus joachimita ». Mais après 1260, l’année fatale étant écoulée, et l’Église du Fils n’ayant pas cédé la place à celle de l’Esprit, il se détacha tout à fait de la secte. Bartolommeo de Mantoue lui dit un