Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

beau domaine de Taionnac, « coupait ses foins et faisait sa vendange ». Un Consentius, fils et petit-fils des plus hauts dignitaires de l’empire, est représenté par Sidoine « mettant la main à la charrue », comme la vieille légende avait représenté Cincinnatus. Les amis d’Ausone, ceux de Symmaque, sont pour la plupart de grands propriétaires et ils se plaisent à la vie rurale. Des historiens modernes ont dit que la société romaine ou gallo-romaine n’aimait que la vie des villes, et que ce furent les Germains qui enseignèrent à aimer la campagne…. Tous les écrits que nous avons du IVe et du Ve siècle dépeignent au contraire l’aristocratie romaine comme une classe rurale autant qu’urbaine : elle est urbaine en ce sens qu’elle exerce les magistratures et administre les cités ; elle est rurale par ses intérêts, par la plus grande partie de son existence, par ses goûts.

C’est que, dans ces belles résidences, on menait l’existence de grand seigneur. Paulin de Pella, rappelant dans ses vers le temps de sa jeunesse, décrit « la large demeure où se réunissaient toutes les délices de la vie » et où se pressait « la foule des serviteurs et des clients ». C’était à la veille des invasions. « La table était élégamment servie, le mobilier brillant, l’argenterie précieuse, les écuries bien garnies, les carrosses commodes. » Les plaisirs de la vie de château étaient la causerie, la promenade à cheval ou en voiture, le jeu de paume, les dés, surtout la chasse. La chasse fut toujours un goût romain. Varron parle déjà des vastes garennes, remplies de cerfs et de chevreuils, que les propriétaires réservaient pour leurs plaisirs. Les amis auxquels écrivait Pline partageaient leur temps « entre l’étude et la chasse ». Lui-même, chasseur médiocre qui emportait un livre et des tablettes, se vante pourtant d’avoir tué un jour trois sangliers. Les jurisconsultes du Digeste mentionnent, parmi les objets qui font ordinairement partie intégrante du domaine, l’équipage de chasse, les veneurs et la meute. Plus tard, Symmaque écrit à son ami Protadius et le raille sur ses chasses qui n’en finissent pas et sur « la généalogie de ses chiens ». Les Gaulois aussi étaient grands chasseurs. Ils l’avaient été avant César, ils le furent encore après lui. On n’a qu’à voir les mosaïques qui, comme celle de Lillebonne, représentent des