Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/344

Cette page n’a pas encore été corrigée

effet, qu’il n’y a pas une seule de ces campagnes dirigées souvent contre des ennemis dangereux et capables des plus noires trahisons, où Louis ne se soit astreint à observer les règles du droit féodal alors en vigueur, ce que Suger appelle la « coutume des Français » ou la « loi salique ». Ce représentant du principe et des intérêts monarchiques, plus respectueux des lois de la féodalité que certains de ses grands vassaux, n’a jamais manqué, avant d’entreprendre une expédition, de sommer à plusieurs reprises, devant la cour de son père ou devant la sienne, le baron dont il fallait punir les méfaits. Toutes les guerres de Louis le Gros ont été ainsi précédées d’une action judiciaire ; pure question de forme, si l’on veut, en bien des cas, mais, avec des bandits comme Hugue du Puiset ou Thomas de Marle, on pouvait savoir gré au roi de ne pas oublier les formes.

Lorsque, en l’année 1109, Louis, sur le point d’en venir aux mains avec le roi d’Angleterre, envoya un héraut à son rival pour lui reprocher d’avoir violé le droit et l’inviter à donner la satisfaction exigée par la coutume, le représentant du roi de France exprima fidèlement la pensée et les sentiments de son maître, en ajoutant : « Il est honteux, pour un roi, de transgresser la loi, parce que le roi et la loi puisent leur autorité à la même source. » Louis le Gros eut la conscience d’avoir conformé ses actes à ses principes dans toutes les circonstances où il se trouva l’adversaire de la féodalité. Il attachait une telle importance à cette règle de conduite qu’en 1135, se croyant à la veille de sa mort, il se contenta de faire à son fils cette double recommandation qui comprenait sans doute toute sa morale et résumait pour lui les devoirs multiples de la royauté : protéger les clercs, les pauvres et les orphelins, en gardant à chacun son droit ; n’arrêter jamais un accusé dans la cour où on l’a sommé, à moins de flagrant délit commis en ce lieu même. Le premier précepte était essentiellement d’ordre monarchique, la royauté pouvant se définir un sacerdoce de justice et de paix exercé au profit du faible. Le second était d’ordre féodal ; il restreignait l’action du souverain, au bénéfice du vassal, en garantissant le baron coupable contre l’atteinte immédiate de la justice de son seigneur. Le roi qui, comme Louis le Gros, proclamait haute-