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eversores. Romania ne signifie pas seulement ici, comme le veulent les Bollandistes, ditio romana in Africa ; il n’a plus même simplement le sens de Romanum imperium que lui donne Du Cange ; il a pris une signification plus générale, celle de monde romain, de civilisation romaine opposée à la Barbaries qui va la détruire.

Par un singulier hasard, les exemples du mot Romania sont plus anciens et plus nombreux en grec qu’en latin. Quand la capitale de l’empire eut été transportée à Byzance, il n’en resta pas moins l’empire romain ; Constantinople fut appelée nouvelle Rome ou simplement Rome, et la langue latine resta longtemps encore la langue officielle[1]. Les écrivains grecs paraissent avoir adopté à cette époque le nom de Romania pour désigner l’ensemble de l’empire…. Saint Athanase dit expressément : Μητοπὁλις ἡ ’Ρὡμη τἡς ’Ρωμανἱας…. Plus tard, quand l’empire d’Orient fut détruit, le nom de ’Ρωμανἱα désigna, dans les écrivains grecs, l’empire de Byzance, et reparut sous la forme Romania (avec l’accent sur l’i), Romanie, dans les écrivains occidentaux, avec ce sens spécial. C’est de là qu’il est arrivé à désigner les possessions des Grecs en Asie, puis les provinces qui forment aujourd’hui la Turquie d’Europe et la Grèce, et où il faut le reconnaître sous la forme Roumélie. Je n’ai pas à m’étendre ici sur cette histoire du mot grec ’Ρωμανἱα] ; il suffit de montrer qu’il provient du latin et que son usage habituel en Orient au IVe siècle prouve qu’il était populaire en Occident avant cette époque.

En Occident, le mot Romania, comme on l’a vu, fut surtout employé pour caractériser l’empire romain en face des Barbares, et plus tard pour exprimer l’ensemble de la civilisation et de la société romaine. Dans ce sens étendu, il comprend naturellement la langue, et cette idée accessoire est nettement indiquée dans les vers où Fortunat, s’adressant au Franc Charibert, lui dit :

    Hinc cui Barbaries, illinc Romania plaudit.
      Diversis linguis laus sonat una viro.

  1. En 462, un magistrat fut destitué pour avoir employé, en Égypte, le grec au lieu du latin dans les actes publics.