Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

lective ; le mot Germani, naturellement, est tout à fait inconnu à cette époque ; quant au mot theodisc, diustisc (anc. fr. tiedeis, it. tedesco), il n’apparaît sous la forme latine theotiscus theudiscus qu’au IXe siècle ; le mot Teuto qui paraît s’y rattacher étymologiquement ne se montre nulle part, et le dérivé Teutonicus, employé par certains écrivains latins, est un souvenir classique qui ne reposait certainement, à cette époque, sur aucune dénomination réelle. Il est permis de douter que les Allemands aient eu, à cette époque, la conscience bien nette de leur unité de race ; dans les textes ils se qualifient d’habitude par le nom spécial de leur tribu, et nous voyons les Romani opposés successivement aux Franci, aux Burgundiones, aux Gothi, aux Langobardi, etc. Tout au contraire, on ne voit nulle part apparaître pour les habitants des provinces de l’empire de dénominations spéciales qui les rattachent à une nationalité antérieure à la conquête romaine. Il n’y a dans l’ensemble des lois comme des histoires de ce temps ni Galli, ni Rhæti, ni Itali, ni Iberi, ni Afri : il n’y a que des Romani en face des conquérants répandus dans toutes les provinces.

Le Romanus est donc, à l’époque des invasions et des établissements germaniques, l’habitant, parlant latin, d’une partie quelconque de l’empire. C’est ainsi que lui-même se désigne, non sans garder encore longtemps quelque fierté de ce grand nom[1] ; mais ses vainqueurs ne l’appellent pas ainsi : le nom Romanus ne paraît avoir pénétré dans aucun de leurs dialectes. Le nom qu’ils lui donnent et qu’ils lui donnaient sans doute bien avant la conquête, c’est celui de walah, plus tard welch, ags. vealh, anc. nor. vali (suéd. mod. val), auquel se rattachent les dérivés walahisc, plus tard waelsch (welche) et wallon. L’emploi de ce mot et de celui de Romanus est précisément inverse : le premier n’est jamais employé que par les Barbares, le second que par les Romains[2] ; l’un et l’autre ont persisté face à face,

  1. Fortunat et Grégoire de Tours emploient certainement encore ce mot avec complaisance, pour qualifier, soit eux-mêmes, soit ceux dont ils parlent. Les hagiographes mentionnent volontiers, et certainement pour lui faire honneur, l’origine romaine de leur saint.
  2. Aussi si l’on veut traduire les paroles mises par les historiens de ce temps dans la bouche des Allemands, faut-il toujours rendre Romanus par Welche. Par exemple dans la Vie de saint Éloi, II, 19 : Nunquam tu, Romane, consuetudines nostras evellere poteris, le mot Romane traduit certainement le Walah ! qui fut adressé au saint homme.