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les habitants du comté, « afin, disait l’édit, qu’il pût être obligé de restituer sur ses biens ce qu’il aurait pris injustement ».

Cette aristocratie sera-t-elle du moins capable de gouverner ? Se contentera-t-elle de limiter le pouvoir et de participer aux affaires ? Y mettra-t-elle l’esprit politique et l’esprit de suite ? On l’en croirait capable, à lire cet édit de 614, qui, enjoignant au roi de juger chacun selon sa loi et de ne condamner personne sans jugement, de n’établir aucun impôt nouveau et de ne commettre aucun acte arbitraire, semble un monument de sagesse politique comparable à la grande charte d’Angleterre. Mais la constitution anglaise s’est développée sur un terrain très peu étendu et bien préparé par les rois eux-mêmes à faire fructifier les germes de la grande charte. L’Angleterre avait une aristocratie bien établie, une Église puissante, éclairée, organisée, une bourgeoisie naissante. L’empire mérovingien était vaste et disparate ; la royauté s’embrouillait dans les traditions romaines et dans les traditions germaniques ; l’aristocratie achevait sa fortune en ruinant et en confisquant la liberté des petits. Les villes anciennes dépérissaient ; il n’en naissait point de nouvelles ; l’Église était sans discipline et sans mœurs : l’acte de 614, qui semble commencer un ordre nouveau, inaugure le chaos.

L’aristocratie franque n’entendait pas du tout demeurer le grand conseil commun de la monarchie. Loin de vouloir maintenir l’unité, c’est elle qui exige l’organisation de gouvernements pour la Neustrie, l’Austrasie et la Bourgogne. Elle rend irrémédiable la division en trois royaumes. Elle fait plus violentes les antipathies qui commencent à se manifester entre eux ; elle apporte toutes ses forces dans les guerres civiles et achève la dislocation de l’empire. Elle prépare en même temps la dislocation des trois royaumes, où se forment des circonscriptions territoriales qui sont presque des seigneuries ; car tous ceux qui vivent sur les domaines des grands ou de l’Église, et qui ont, à des degrés divers, aliéné leur liberté personnelle, forment une communauté à part, qui a pour chef le propriétaire. Déjà les chartes et les formules reconnaissent l’existence de ces groupes : dans cette pénurie de notions politiques et