Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 2.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
CENT-VINGT-QUATRIÈME LECTURE.
9
CENT-VINGT-QUATRIÈME LECTURE.
ENTREVUE DE CRICHNA ET DE NARADA.

Vêsampâyana dit :

Ô fils de Bharata, Nârâyana répondit alors à la pieuse Satyabhâmâ, orgueilleuse et colère à force de tendresse : « Belle aux yeux de lotus, le chagrin me brûle et me dévore. Et quel motif cause ton affliction ? Je t’en conjure par ma propre existence : si tu as pour moi quelque tendresse, si tu crois encore au dévouement de ton époux, explique-toi. »

Satyabhâmâ, voyant que Crichna était sincère, lui répondit, le front baissé et d’une voix coupée par ses sanglots : « Ô vainqueur de Késin, ô noble et généreux époux, c’est à vous que je dois le bonheur et la gloire dont je jouissais, et dont on a tant parlé dans ce monde. Si je lève ma tête avec orgueil, si parmi toutes les femmes je suis un objet d’envie, c’est vous qui en êtes l’auteur. Eh bien ! aujourd’hui je suis la risée de mes rivales. Tel est l’effet d’un récit que viennent de répandre partout nos suivantes ; récit, hélas ! trop vrai ! Nârada vous avait donné une fleur de Pâridjâta : vous en avez fait présent à quelqu’un, dit-on, et ce n’est pas à moi. On dit encore que la même personne a reçu de vous des pierreries en profusion, et les témoignages les plus évidents de votre attachement, de votre préférence ; que Nârada lui a prodigué devant vous les plus grands éloges, et que vous avez avec plaisir entendu ce panégyrique. Si elle[1] mérite en effet les louanges que ne lui a pas épargnées Nârada, pour quoi faire retentir jusqu’à nous, malheureuses que nous sommes, les échos de sa gloire ? Si, après m’avoir fait goûter les délices de votre tendresse, vous voulez, seigneur, me condamner au chagrin, ordonnez, je vous prie, et la pénitence aura pour moi des charmes. Mais ce n’est pas ici un vain songe qui m’abuse : j’ai bien entendu le récit véritable de mon

  1. Il est à remarquer que Satyabhâmâ ne prononce pas le nom de sa rivale. Crichna a aussi la même discrétion.