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HARIVANSA.

de parole ? C’est la vérité que je dis. Quelle différence entre la tendresse et l’estime que j’ai pour toi, et celles que je ressens pour les autres femmes ! Mon amour, immortel comme moi, t’est pour toujours assuré. Ô femme pareille à une fille des Souras, telle est ma ferme résolution. Comme la solidité, l’odeur, le son et d’autres propriétés encore sont les qualités de la terre[1], ma qualité, à moi, c’est l’amour. L’amour est en moi ce que la flamme est au feu, la divine lumière au soleil, la grâce[2] impérissable à la lune. »

Ainsi parlait Djanârddana : l’heureuse Satyabhâmâ, essuyant ses larmes, dit à son amant : « Oui, seigneur, vous êtes à moi, telle était naguère mon unique pensée. Mais aujourd’hui je sais que votre amour est inconstant. Je reconnais bien maintenant qu’il n’est rien de stable dans ce monde, rien de plus changeant que le temps, de plus incertain que le bonheur. Mon sort paraissait être celui d’une immortelle. Cependant vos discours sont-ils bien l’expression de vos sentiments ? Je ne vois que des mots, des mots flatteurs et agréables. Mais votre amour pour moi est supposé : pour d’autres votre amour est véritable. Vous savez, seigneur, que je suis sincère et dévouée ; et vous me dédaignez, vous me trompez. Voilà ce qui s’est vu et ce qui se verra toujours, ce qu’on a entendu et ce que l’on entendra constamment : tel est le fruit destiné à l’amour. Cependant si j’ai mérité votre faveur, daignez le reconnaître. Pour vous prouver ma tendresse, je puis supporter toutes les peines et les fatigues de la pénitence. L’époux n’a qu’à commander, et le devoir des femmes est de se livrer aux exercices de la mortification la plus rigoureuse ; mais qu’au moins la mauvaise volonté de l’époux ne rende pas infructueuse la bonne volonté de la femme. »

Tel fut le discours de la belle Satyabhâmâ ; ses yeux se remplirent de larmes, et elle saisit le bord du vêtement jaune de Crichna, qu’elle porta à ses lèvres.

  1. Ce passage un peu incomplet a besoin, pour être entendu, e l’on combine ensemble le sl. 20 et les sl. 75, 76, 77 et 78 de la 1er lect. des lois de Manou, d’où il résulte que chacun des cinq éléments a une qualité particulière, et que les derniers possèdent les qualités de ceux qui les précèdent sur la liste : de là vient que la terre, qui est le cinquième, a les qualités du son, de la tangibilité, de la couleur, de la saveur et de l’odeur. Dans cette énumération de qualités n’est pas comprise la solidité, que nous trouvons ici, क्षमा kchamâ.
  2. On fait de la Grâce, कान्ति cânti, une nymphe qui est l’épouse du dieu de la lune. Voyez la cxviie lecture.