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point partagée en villes ou en bourgs. Point de moisson, point de soin des troupeaux, point de labourage, point de commerce ; mais aussi point de fourberie, de cupidité, d’envie. C’est aux approches du Manwantara de Vêvaswata que le fils de Véna opéra ce grand changement. Partout où la terre s’aplanissait, les hommes venaient y établir leurs demeures. Quand ils ne se nourrissaient que de fruits et de racines, leur vie, dit-on, était extrêmement malheureuse. Mais dès l’instant que Prithou eut sevré le veau de la Terre, qui est le Manou Swâyambhouva, ô prince, de sa propre main il se mit à la traire. Alors parurent des moissons de toute espèce, grâce à la prévoyance du fils de Véna ; c’est à lui que les mortels d’aujourd’hui doivent aussi leur nourriture.

Les Richis vinrent ensuite pour boire le lait de la Terre. Leur veau fut Soma : le brillant Vrihaspati, fils d’Angiras, fut chargé de traire la vache. Le vase de ces Richis[1], c’étaient les chants sacrés (tchhandas) ; leur lait, c’était la pénitence, et la science éternelle de Brahma.

Les divers ordres de Dévas se présentèrent avec Indra à leur tête : c’est lui qui fut leur veau ; leur vase est d’or[2], et Savitri presse pour eux la mamelle de la vache, d’où sort un lait qui leur donne la force.

La Terre est aussi la nourrice des Pitris, dont le vase est d’argent[3], et dont le lait est la swadhâ. Le brûlant Yama, fils de Vivaswân, est leur veau ; et Câla, qui donne la mort, Câla, qui sait le compte des humains, a la fonction de traire la vache pour eux.

Les serpents, dont le veau est Takchaca, et dont le vase est une gourde, tirent aussi le lait de la Terre, et ce lait pour eux est du poison. Ô fils de Bharata, c’est Êrâvata, ou le fier Dhritarâchtra[4] qui doit, pour ces êtres redoutables, immenses, vigoureux, traire le lait qui est leur nourriture, leur espoir, leur force, leur ressource.

Les Asouras, dans un vase de fer, reçoivent également le lait de la Terre,

  1. Le vase désigne la qualité particulière qui distingue chaque ordre, le titre auquel la Terre lui accorde sa nourriture. Les Richis s’occupent des sacrifices qui sont accompagnés de chants.
  2. On se rappelle qu’Indra, roi des Dévas, est un Âditya ou une forme du soleil, ainsi que Savitri : il n’est pas étonnant que le vase des Dévas soit d’or.
  3. Les Pitris habitent la lune : ce qui explique pour quelle raison leur vase est d’argent. Nous avons déjà vu qu’on appelle swadhâ la nourriture offerte aux mânes dans les sacrifices.
  4. Ici, comme dans les deux paragraphes suivants, le texte semble désigner deux personnes pour l’emploi de celui qui trait la vache. Mais peut-être les mots que j’ai pris pour des noms propres ne sont-ils que des épithètes.