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de leur maître. Par son ordre ils gardaient sa vache nourricière, nommée Capilâ[1] et accompagnée de son veau déjà aussi grand qu’elle. En chemin, la vue de cette vache magnifique, qui fournissait à tous les besoins de Gârgya, les tenta : la faim les poussait, leur raison était aveuglée ; ils conçurent le projet cruel et insensé de la tuer. Cavi et Swasrima essayèrent de les en empêcher. Que pouvaient-ils contre les autres ? Mais Pitrivarttin, celui d’entre eux qui était toujours occupé du srâddha, songeant alors au devoir dont la pensée l’obsédait, dit à ses frères avec colère : « Puisque nous avons un sacrifice à faire à l’intention des Pitris, que cette vache soit immolée par nous avec dévotion, et sa mort nous profitera. Honorons les Pitris, et l’on n’aura point de reproche à nous faire. » « Oui, » s’écrièrent-ils tous, et la vache fut sacrifiée en l’honneur des Pitris. Ils dirent ensuite à leur maître : « Votre vache a été tuée par un tigre, mais voici son veau. » Le Brahmane, sans soupçonner le mal, reprit le veau qu’ils lui remettaient.

Mais ils avaient manqué aux égards et au respect qu’ils devaient à leur maître ; et quand le Temps vint les enlever tous ensemble de ce monde, pour avoir été cruels et méchants, pour s’être rendus coupables d’impiété envers leur précepteur spirituel, ils reparurent tous les sept à la vie dans la famille d’un chasseur, du pays de Dasârna[2]. Cependant, comme en immolant la vache de leur maître, ils avaient rendu hommage aux Pitris, ces frères, remplis de force et d’intelligence, conservèrent dans cette existence le souvenir du passé : ils se montrèrent attachés à leurs devoirs, remplissant leurs fonctions avec zèle, et s’abstenant de tout acte de cupidité et d’injustice : tantôt retenant leur respiration aussi longtemps que durait la récitation d’un mantra[3], tantôt se plongeant dans de profondes méditations sur leur destinée. Voici les noms de ces pieux chasseurs : Nirvêra, Nirvriti, Kchânta, Nirmanyou, Criti, Vêghasa et Mâtrivarttin. Ainsi ces mêmes hommes qui

  1. Capilâ veut dire noire : ce mot n’est peut-être qu’une épithète. Nous avons vu ailleurs que la vache représentait la terre, et la vache du Gourou n’est autre chose que les domaines affectés à son service. Si par Côsica on entend Viswâmitra, ce manque de respect pour les propriétés d’un Brahmane n’est pas étonnant de la part de ses fils ou descendants. Voyez plus haut l’histoire de Trisancou.
  2. Contrée au sud-est du Vindhya, d’où sort une rivière qui est le Dosaron de Ptolémée. Voyez Rech. asiat. t. xivXIV, pag. 391.
  3. C’est un acte de piété nommé dhârana, ou prânadhârana. Le pénitent se recueille et retient son haleine jusqu’au moment où la prière qu’il a commencée mentalement est achevée. Voyez dans Wilson le mot प्राणायम​.