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anecdotes pathétiques et plaisantes

marches. Le tour est joué ; tout le monde rit ; l’on s’amuse et l’on fraternise.

— C’est le circus, dit un sous-officier qui a le sens des réalités.

Et un gros lieutenant s’écrie, en se tenant les côtes pour ne pas éclater :

Ja, ja ! Kolossal ! Kolossal !

Le zouave immortel.


Un prisonnier hessois, encore stupéfait, raconte que, dans l’Argonne, ses camarades de taupinières aperçoivent un matin, dressé sur le parapet de la tranchée française, un zouave qui, immobile, sans armes, paraît narguer témérairement l’ennemi. Les Allemands fusillent l’insolent, qui reçoit la décharge en plein corps et… ne bronche pas. Un bon tireur, un « tireur d’officiers » l’ajuste et lui envoie une balle au front. Le zouave n’en demeure pas moins impassible. Une seconde balle l’abat enfin ; il s’écroule et disparaît comme une loque. Le lendemain, au réveil, il est là ainsi que la veille, debout sur le parapet ; c’est bien le même ; les Boches le fusillent avec acharnement ; et on le voit, tout à coup, sous la pluie de projectiles, remuer les bras et les jambes comme un polichinelle articulé… C’était un grand pantin que nos poilus avaient fabriqué et dont ils tiraient les ficelles avec des rires d’enfants, qui là-bas, dans leurs trous, rendaient les Allemands pensifs.