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anecdotes françaises

tillerie boche. Cette préférence ne troublait guère les joueurs. Nous-mêmes suivions avec intérêt les phases de la partie, plus émotionnés par une « belle coupe » que par l’éclatement proche d’un obus.

Soudain, avec un vrombissement formidable, une « marmite » tombe sur la tranchée voisine : un éclat atteint au front, le tuant net, un des manilleurs. On emporte rapidement le malheureux. Il y a une minute pénible… Puis nous voyons un des occupants de notre tranchée ramper, s’approcher des trois joueurs restés là, atterrés, les cartes encore en main, et prendre le jeu de son camarade mort.

— Voulez-vous de moi comme quatrième ? demande-t-il flegmatiquement.

Les autres, d’abord surpris, acquiescent d’un signe de tête.

— Eh bien ! continuons la partie ! dit l’autre en étudiant le jeu laissé par le mort.

Il nous tourne le dos ; nous voyons de loin les cartes qu’il a ramassées : l’une d’elles a une grosse tache rouge qui couvre presque entièrement la figurine… Que vous dire de plus ? Nous avons tous admiré cette impavidité devant la mort.


Un moderne d’Assas.

Voici un haut fait renouvelé du chevalier d’Assas et accompli par un modeste sergent de l’un de nos régiments d’infanterie.

Le sergent Jacobini était aux avant-postes, pendant la nuit, avec quinze de ses hommes, lorsqu’il aperçut des ombres venant vers lui. Il s’avança seul pour ne pas exposer ses hommes et se trouva soudain entouré et désarmé par les Allemands.

Un officier le menaça de mort s’il ouvrait la bouche, mais Jacobini, sans hésiter, cria : « Feu, mes enfants, voici les Allemands ! »