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anecdotes pathétiques et plaisantes

Et il ne chantait pas.

Le camarade de lit n’avait pas le cœur à dormir. Il venait d’entendre ces derniers mots. Il se dressa sur son séant, dans son lit, puis je le vis en descendre, enfiler sa culotte et, furtif, à quatre pattes, il se coula hors du dortoir.

Et alors, vous entendez bien, au bout de deux minutes… le coq chanta.

C’était une voix un peu étrange, un peu éraillée, un peu trop humaine. Mais le petit sergent s’arrêta d’étouffer.

— Ma… ma sœur, entendez-vous ?

— Je vous l’avais dit, fit-elle. Il est 4 heures.

Il avait confiance. Le jour allait paraître. Il mourut presque en souriant.


La partie de cartes interrompue.

Une de nos principales distractions dans les tranchées, c’est, comme le savez, de battre un peu les cartes. Protégés par de vigilantes sentinelles, nous nous livrons, à quelques pieds sous terre, à d’enragées parties de manille. On se croirait dans quelque café du Commerce, à l’heure de l’apéritif, n’était le décor un peu plus pittoresque ; les consommations ne sont pas variées : un quart de « jus » ; la table, c’est la terre nue, humide, et les chaises sont remplacées par les sacs ; mais, n’est-ce pas, à la guerre comme à la guerre !

Ce matin-là, dans la tranchée voisine, on jouait ferme ; nous entendions distinctement les interjections des manilleurs : « Atout ! — Manillon coupé ! — Un pli pour moi ! — Je fais mes 45 ! etc., etc. » Mais si nos sentinelles nous mettaient à l’abri des surprises de l’ennemi, elles ne nous protégeaient pas des « marmites » qui éclataient autour de nous, au petit malheur, mais surtout dans la direction de la tranchée où le jeu était si ardent. Ce point était manifestement repéré par l’ar-