Page:Langlois - Anecdotes pathétiques et plaisantes, 1915.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La mort la plus belle.

— J’ai soif, dit le blessé.

Je porte à ses lèvres fiévreuses un bidon rempli d’eau et de rhum. Il boit avidement, à longs traits, pour calmer le feu qui le dévore. En me rendant ma gourde, il m’appelle, puis, dans un souffle, la parole entrecoupée :

— Mets-moi… au pied de ce grand chêne… là… Adosse-moi bien… Donne une baïonnette… Merci…

Les yeux levés vers le ciel, tenant la baïonnette comme une croix — tel le chevalier Bayard — il balbutie une prière. La blanche clarté lunaire auréole sa tête d’un diadème de saint et fait resplendir ses yeux d’une flamme mystique. Sa grande âme va s’envoler.

Tout à coup, un bref soubresaut l’agite. C’est la fin. Il choit sur le côté. Je me précipite, le redresse, et dans un dernier râle j’entends :

— Je meurs… bien, c’est certain… Guillaume… saurait pas… mourir comme ça… À… adieu !


Le fossoyeur sublime.

D’une lettre de soldat :

À notre gauche, les zouaves occupaient une tranchée distante à peine de 250 mètres des tranchées allemandes. Entre les deux lignes, des cadavres de vaches, de porcs et aussi de soldats français et allemands.

La veille, comme le bataillon de zouaves avait fait une sortie, il avait laissé sur le terrain trois nouveaux morts ; ceux-là, du moins, recevraient une sépulture : ainsi en avait décidé l’héroïsme d’un de leurs camarades.

Sans qu’on puisse l’en empêcher, ce brave sort en rampant de la tranchée… Il emporte quelques briques qu’il dispose devant lui, à longueur de bras, et il avance