Page:Langlois - Anecdotes pathétiques et plaisantes, 1915.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

hommes et réduit la construction en miettes. Il y eut un long silence et le commandant, prenant sa tête entre ses mains, s’écria : « C’est vraiment une providence ! Les malheureux auraient été écrabouillés ! »

Alors, vous savez, on est habitué au danger et, moitié apeuré, moitié souriant, j’eus la force de dire à mon officier : « Faut-il que je porte mes huit jours de consigne ? — Allons, n’insistez pas, me répondit-il, je vous le répète, c’est la Providence. Oublions tout cela. »


Le soldat acrobate.


C’est un artiste forain de Lyon, nommé Durez, et qui, au cirque, s’appelle Williams et remplit les rôles de clown. Il a pris l’habitude d’imiter l’accent anglais. Les soldats, ses camarades, l’appellent le « Saltimbanque », ce qui le fâche. « Je été un’aâtiste et pas un saaltimbank. » L’autre jour, dans un village de la Somme, sa compagnie était mitraillée par l’ennemi invisible.

— S’il y avait un observateur un peu dégourdi qui voulût grimper sur la cheminée qui est là-bas, on saurait où sont les Boches, dit un capitaine.

Durez s’approche et dit simplement :

— Moâ, je veux bien aller.

Il enlève son sac, ses souliers, et le voilà, son lebel en bandoulière, qui grimpe comme un chat. Arrivé dans le haut, il nous renseigne sur la position allemande et, malgré la grêle de balles autour de lui, il tire de son mieux sur les Allemands, inconfortablement installé d’ailleurs sur un « mitron ».

Tout à coup, il lâche son arme, pique une tête… On se précipite vers lui, on le croit mort. Alors, d’un saut léger, croisant sa jambe gauche sur la jambe droite, les deux mains levées, l’index à la hauteur des oreilles, il salue et annonce : « Le Saaut de la Mort. »

Et, le soir, il était proposé pour la médaille militaire.