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j'ai rencontré Dommer, un des maîtres que les gens de ma génération ont eus ici. Dommer me demande d'une façon très bienveillante ce que je faisais. Je lui dis où j'en étais et mon désir de faire de l'enseignement. « Pourquoi, me dit-il, n'allez-vous pas à l'École Normale ? » Je lui répondis que c'était bien au-dessus de mon ambition, qu'il fallait du latin et du taupin [1] pour se présenter et que je n'avais fait ni de l'un ni de l'autre. « Vous pourriez peut-être essayer », me dit-il.

Cette suggestion me détermina. Au mois de février, je me mis à faire du latin deux heures par jour, du taupin huit heures par jour. Je donnais deux heures de leçons chez Fink et quelquefois deux autres heures.

Ce fut un bon moment de mon existence. J'ai eu quelques mois de tension continue, de véritable mobilisation de mes forces naissantes. J'ai pu réussir et si d'ailleurs j'ai connu le goût de l'enseignement, c'est encore une fois à l'École que je le dois.

À cette époque il y avait à l'École des cours du soir d'une section de l'Association philotechnique qui s'appelait la section des Électriciens. Quand je suis sorti de l'École — j'avais dix-neuf ans — on m'a demandé de prendre le cours d'électricité à cette section. Les gens qui me l'ont proposé avaient quelque imprudence, puisque je n'avais jamais enseigné et j'acceptai avec

  1. La « taupe », dans le langage des étudiants, désigne la classe de mathématiques spéciales des lycéens où l'on prépare aux grandes écoles scientifiques.