Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/344

Cette page n’a pas encore été corrigée

à ses besoins matériels, et par les forces de la nature ne saurait être vraiment libre. Après que le Moyen âge eut réalisé des libérations et franchises collectives, communales, corporatives et autres, le grand mouvement de la Réforme, prolongé par celui du XVIIIème siècle et de la Révolution, achevant de dégager la notion de la personne humaine, limitée d'abord aux cas exceptionnels du chef, du héros et du saint, puis étendue successivement à tous pour aboutir à notre Déclaration des droits de l'homme, s'est orientée nettement dans le sens individualiste et romantique, bien que soient encore trop souvent employés les termes déplaisants et d'élites et de masses. Les formules de la Déclaration des Droits : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi l'exercice des droits naturels de chacun n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits » et l'adage « La liberté de chacun finit où commence celle d'autrui », sont insuffisants : elles donnent l'impression que l'organisation de la liberté dans une société humaine consiste dans l'ajustement, la juxtaposition de libertés individuelles qui se limitent réciproquement au lieu de s'exalter, comme elles le font réellement; elles semblent impliquer que seul l'homme isolé serait complètement libre. S'il est vrai que le développement, l'enrichissement de la vie, depuis les formes les plus primitives jusqu'à nos sociétés humaines les plus évoluées, va dans le sens d'une différenciation