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plus embarrassée encore, s’il est possible, que celle des catégories. En effet tandis que Kant déduisait ces dernières des formes de raisonnement de la logique usuelle, il se trouva poussé — on ne saurait dire par quoi — à déduire les Idées, comme pures conceptions de la raison, des formes du raisonnement. Il croyait trouver là de nouveau une garantie de la constatation complète des idées de la raison pure, et il fit sortir avec beaucoup d’art, du raisonnement catégorique, l’idée d’âme, du raisonnement hypothétique, celle d’univers, et du disjonctif, celle de Dieu.

Les catégories, au dire de Kant, ne sont utiles à notre entendement que dans l’expérience. À quoi servent donc les idées ? Le rôle important, que ces idées jouent aujourd’hui dans la polémique matérialiste, donnera de l’intérêt à quelques autres citations de Kant. Nous attachons peu de valeur au mode, suivant lequel ces idées de la raison sont déduites mais nous ne pouvons qu’admirer chez Kant la merveilleuse clarté d’une tête initiatrice pour l’appréciation du rôle qu’elles jouent dans nos connaissances.

Kant fait observer dans ses prolégomènes (§ 44) « que les idées de la raison ne nous aident pas, comme peuvent le faire les catégories, à utiliser notre entendement dans l’expérience on peut, sous ce rapport, s’en passer complètement ; elles sont même un obstacle et un embarras pour les maximes qui gouvernent la connaissance de la nature par la raison ; toutefois elles sont nécessaires dans un autre but qui reste à déterminer.

« L’âme est-elle une substance simple ou non, c’est là une question complètement indifférente pour nous en ce qui concerne l’explication des phénomènes qu’elle nous offre ; car nous ne pouvons rendre intelligible par aucune expérience, d’une manière sensible, c’est-à-dire concrète, l’idée d’un être simple ; cette idée est donc, en ce qui touche toute la science, par nous espérée, de la nature des phénomènes, tout à fait creuse et ne peut nous fournir aucun principe pour l’expli-