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logiques » s’occupant de quatre ou cinq dimensions. Lotze va toutefois beaucoup trop loin quand il s’écrie « Il faut résister à toutes les tentatives de ce genre ; ce sont des grimaces scientifiques qui intimident la conscience ordinaire par des paradoxes tout à fait inutiles et la trompent sur son bon droit dans la délimitation des concepts. » Ce droit de la conscience ordinaire en face de la science n’existe pas ; il existe moins encore pour les mathématiciens, habitués depuis longtemps à atteindre leurs plus beaux résultats par les généralisations les plus téméraires. Voir les quantités négatives, incommensurables, imaginaires et complexes, les exposants brisés et négatifs, etc. — La condamnation, prononcée par Dühring[1] n’est pas non plus suffisamment motivée, encore qu’elle s’appuie sur un ingénieux essai de l’auteur[2] fait pour éliminer de la mathématique l’élément mystique en formulant les concepts avec plus de rigueur. L’ « élément mystique » s’est tellement accru dans la mathématique la plus récente qu’il ne suffit plus de critiquer des concepts pris isolément. Il faudra un jour qu’une philosophie de la mathématique s’occupe de l’ensemble de la question et qu’elle se demande comment il se peut que le renversement, par la généralisation, de toutes les limites de l’intuition et de la possibilité réelle conduise précisément aux formules les plus simples, qui, dans leur application à la réalité, restent incontestées. Ce que Dühring[3] dit de la « démonstration par l’impossible » effleure à peine le véritable problème. — D’un autre côté, ce serait trop se presser, à notre avis, d’employer avec Liebmann[4] ces spéculations mathématiques comme des arguments positifs en faveur de la phénoménalité de l’espace, attendu qu’elles ne sont jusqu’ici que des démonstrations de la simple possibilité de concevoir une idée générale de l’espace, laquelle contiendrait en soi comme spécialité notre espace euclidien.

66 [page 463]. Brentano[5] remarque, relativement à l’assertion précitée sur le raisonnement de l’œil dans les phénomènes de la tache aveugle, qu’il ne voit pas trop si je suis disposé à reconnaître un « processus intermédiaire » analogue au raisonnement conscient. La chose me paraît assez simple. Il s’agit d’une subsumption sous une majeure supérieure acquise inductivement. Le procédé conscient dirait : toutes

  1. Dühring, Principien der Mechanik, p. 488 et suiv.
  2. Natürliche Dialektik et surtout la remarquable dissertation De tempore spatio, causalitate atque de analysis infinitesimalis logica, Berolini, 1861.
  3. Natürliche Dialektik, p. 162 et 163.
  4. Voy. en particulier son article dans les Philosophische Monatshefte VII, Band 2. Hälfte, 8. H. p. 337 et suiv. : Ueber die Phänomenalität des Raumes.
  5. Psychologie, I, p. 144.