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lement invraisemblables (et au point de vue d’une complète abstraction sans doute également « extraordinaires »), les uns comme étant tout à fait extraordinaires, par exemple, 1 sur des millions, tandis que d’autres cas se fondent psychologiquement avec une grande série de cas analogues et ont, par conséquent, l’air d’être des cas ordinaires, bien que leur probabilité soit aussi petite que celle des cas de la première catégorie. Tel est le cas, cité dans le texte, d’un joueur qui gagne d’abord dix fois de suite, puis, dans une série nettement déterminée, gagne et perd alternativement.

Laplace, au reste, fait concorder cette distinction avec une rétro-conclusion tirée d’un phénomène et reportée sur les causes de ce phénomène, et, soit dit en passant, c’est aussi là le point du calcul d’où Hartmann aurait dû partir, au lieu de s’en tenir lourdement et illogiquement au troisième principe de Laplace, dont on ne peut ici tirer qu’une conclusion, c’est que les cas compliqués sont effectivement des cas compliqués. Dans les cas du sixième principe, les cas remarquables ou extraordinaires sont toujours ceux qui portent en eux pour ainsi dire le type de la finalité humaine, ne fût-ce que dans une certaine symétrie purement extérieure, comme si, par exemple, le nombre 666,666 sortait d’un million de nombres. Nous voyons ici d’un coup d’œil tous les rapports du numérateur avec le dénominateur de la fraction de probabilité et nous pensons en même temps à la possibilité que quelqu’un ait à dessein choisi ce numéro. On est maîtrisé par cette dernière impression, surtout quand le cas spécial qui se produit à une signification particulière. Des lettres, prises au hasard, pourraient, par exemple, former précisément le mot EUROPE, et cependant cette combinaison n’est pas plus invraisemblable qu’une autre combinaison quelconque dont les lettres juxtaposées n’offriraient aucun sens. Or, ici, le numérateur de cette fraction de probabilité est égal à 1 et le dénominateur est égal au nombre de toutes les combinaisons possibles de ces 6 lettres et encore infiniment plus grand, lorsqu’on suppose qu’elles ont été retirées au hasard des casses d’un compositeur. Ici il faut remarquer, avant toutes choses, que la réalité de pareils hasards et par conséquent aussi leur possibilité générale ne peuvent nullement être touchées par le calcul des probabilités. C’est là le point que déjà Diderot avait fait ressortir dans le 21e chapitre des Pensées philosophiques, où il dit que la production de l’Iliade et de la Henriade de Voltaire par les combinaisons fortuites des lettres, non-seulement n’est pas impossible, mais est même très-probable, pour peu que l’on puisse étendre à l’infini le nombre des expériences. — En réalité, nous comparons dans ces cas la probabilité extraordinairement faible de la formation fortuite avec la probabilité bien plus grande de la formation