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méthode aussi et originale que correcte pour justifier logiquement le rapport de la moyenne arithmétique, résultant des séries d’expériences, aux déviations de cette moyenne que les expériences isolées présentent. Il fut prouvé, dans l’application des principes développés à beaucoup de recherches jusqu’alors fort estimées, que les séries d’expériences de ces recherches n’avaient généralement pas donné de résultats scientifiques, parce que les observations distinctes présentaient des différences trop fortes pour que la moyenne arithmétique apparût, avec une probabilité suffisante, comme le produit de l’influence à rechercher. Contre cet écrit d’une haute importance, et qui ne fut nullement attaqué sous le point de vue mathématique, se déchaînèrent quelques médecins éminents, et leur polémique donna naissance aux bizarres jugements, que nous croyons devoir mentionner ici. Vierordt, notamment, tout en approuvant la dissertation en général, fit observer que, outre la logique du calcul des probabilités, purement formelle, qui démontre avec une certaine rigueur mathématique, il existe encore, dans des cas nombreux, une logique des faits eux-mêmes qui, employée avec l’habileté convenable, possède, pour l’homme compétent, un degré plus ou moins élevé de force démonstrative. Le terme, « logique des faits », séduisant en apparence, mais très-mal choisi au fond, trouva de l’écho chez bien des personnes que gênait sans doute la rigueur absolue de la méthode mathématique ; toutefois il fut réduit à une valeur très-modeste par le professeur Ueberweg, logicien éminemment apte à élucider de pareilles questions[1]. Ueberweg démontra victorieusement que ce que l’on pourrait, à la rigueur appeler la « logique des faits », est peut-être dans beaucoup de cas de quelque utilité comme premier degré d’une recherche exacte, « à peu près comme l’appréciation à l’œil nu, tant que l’on ne peut pas mesurer avec une précision mathématique » mais qu’après un calcul effectué consciencieusement, il ne pouvait plus être question d’un résultat différent, obtenu à l’aide de la logique des faits. En réalité, la conviction immédiate, que l’homme compétent obtient en faisant ses expériences, est sujette à l’erreur tout aussi bien que la formation d’un préjugé quelconque. Nous n’avons aucun motif de douter que de pareilles convictions puissent se former durant l’expérimentation, ni aucun motif d’admettre qu’il faille leur attribuer plus de valeur qu’à la formation en général de convictions par une voie non scientifique. Ce qui, dans les sciences exactes, est réellement probant n’est pas le fait matériel, l’expérience dans son action immédiate sur les sens, c’est la réunion des résultats, opérée dans l’esprit. Or beaucoup de savants et surtout de physiologistes sont naturellement portés à

  1. Archiv für pathologische Anatomie, XVI.