Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/585

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alors le terrain de la science rigoureuse. L’univers, tel que nous le comprenons dans une conception purement conforme à la science de la nature, ne peut pas plus nous enthousiasmer qu’une Iliade que l’on épellerait. Si au contraire nous prenons le Tout comme unité, nous faisons, par l’acte de la synthèse, entrer notre propre être dans l’objet, de même que nous disposons harmoniquement un paysage en le contemplant, quelques discordances qui puissent se cacher dans les détails. Toute vue d’ensemble est soumise à des principes esthétiques et chaque pas fait vers le Tout est un pas vers l’idéal.

Le pessimisme, qui s’appuie aussi sur une vue d’ensemble, est un produit de la réflexion. Les mille contrariétés de la vie, la froide cruauté de la nature, les souffrances et les imperfections de tous les êtres, sont réunis dans leurs traits particuliers, et la somme de ces observations est opposée à l’image idéale de l’optimisme comme un acte d’accusation écrasant pour l’univers. Mais, dans cette voie, on n’obtient pas un tableau complet de l’univers. Seulement la conception de l’univers, de l’optimisme, est anéantie, et c’est là un grand point, lorsque l’optimisme à la prétention de devenir dogmatique et de se donner pour le représentant de la vraie réalité. Toutes ces belles pensées de la désharmonie de détail, qui se fond dans l’harmonie du grand Tout, de la contemplation d’ensemble compréhensive, divine, du monde, dans laquelle toutes les énigmes se résolvent et toutes les difficultés disparaissent, sont détruites avec succès par le pessimisme mais cette destruction n’atteint que le dogme et non l’idéal. Elle ne peut éliminer le fait que notre esprit est créé pour produire éternellement à nouveau en lui-même une conception harmonique de l’univers, le fait qu’ici comme partout il place l’idéal à côté et au-dessus du réel, et se remet des luttes et des nécessités de la vie en s’élevant par la pensée jusqu’au monde de toutes les perfections.

Cette tendance de l’esprit humain vers l’idéal acquiert une