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questions : Sommes-nous encore chrétiens ? Avons-nous encore de la religion ? Puis seulement vient le chapitre : Comment comprenons-nous l’univers ? C’est ici que se trouve réellement la profession de foi matérialiste de Strauss. Le dernier chapitre : Comment réglons-nous notre vie ? nous conduit sur le terrain de la morale et nous fournit amplement l’occasion de connaître les idées de l’auteur sur l’État et la société. Nous nous occuperons tout d’abord des deux derniers chapitres et ensuite seulement nous jetterons un regard sur le contenu des précédents.

La réponse à la question : Comment comprenons-nous l’univers ? est un chef-d’œuvre comme exposé vif et concis d’un système de l’univers. Sans faire de polémique ni de digressions superflues, Strauss laisse son système se prouver lui-même par les conséquences naturelles de son exposition. Commençant par les impressions des sens, il arrive, d’un pas rapide et assuré, à notre représentation de l’univers, dont il affirme énergiquement l’infinité. Dans la cosmogonie, il s’appuie presque entièrement sur Kant, tout en tenant soigneusement compte de l’état actuel des sciences de la nature. À l’instar d’Ueberweg, il admet que la diffusion primitive de la matière ne doit être regardée que comme la conséquence de l’écroulement de systèmes d’univers antérieurs. Mais tandis qu’Ueberweg déduit de ce processus ainsi que du darwinisme un progrès de l’univers allant vers une perfection toujours plus grande, Strauss attache plus de prix à l’éternité et à l’uniformité essentielle du Tout infini. L’univers, dans sa signification absolue, renferme continuellement des systèmes de mondes qui se refroidissent et se meurent, ainsi que d’autres qui se forment à nouveau par suite de l’écroulement. La vie est éternelle. Si elle disparaît ici, elle commence là, et sur d’autres points encore, elle s’épanouit dans la plénitude de sa force. Ce processus n’a pas eu plus de commencement, comme le croyait Kant, qu’il n’aura de fin ; ainsi s’évanouit tout motif d’admettre un Créateur.