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possible de le remplacer dans certains principes généraux. L’homme qui a reçu une éducation philosophique, et qui désire sincèrement procurer le bien du peuple, doit aussi, disais-je, rester en étroite relation avec lui et être à même de comprendre les battements de son cœur. Mais pour cela, il faut aussi un intermédiaire religioso-philosophique, tel que l’ont préparé Kant et Hegel l’art de traduire les formes religieuses en idées philosophiques. Si cet art est réel, il faut que même le processus du sentiment dans les choses du culte puisse être chez le philosophe essentiellement le même que chez le croyant. En conséquence non seulement il n’est pas ordonné au philosophe de sortir de l’Église, mais, au contraire, il faut l’en dissuader fortement, car ce serait retirer à la vie religieuse du peuple un élément qui, par sa nature pousse au progrès, et livrer la masse sans défense à la domination intellectuelle de zélateurs aveugles.

Ueberweg ne voulait admettre que dans une très-faible mesure cet « isomorphisme » des processus de l’âme chez le philosophe et le croyant naïf, surtout sans doute parce qu’il rejetait en principe les processus religieux de l’âme. En ce qui concerne le côté esthétique de la vie religieuse, nous étions d’accord sur ce point, c’est que la religion de l’avenir devait être nécessairement une religion de réconciliation et d’allégresse, avec une tendance prononcée vers la perfection de la vie actuelle, que le christianisme sacrifie. Par l’effet de ce principe, Ueberweg rejetait toute la poésie dolente et désespérée du christianisme, avec les mélodies si profondément saisissantes qui s’y rattachent et avec la sublime architecture du moyen âge, qui me tenait si fort à cœur. Il me reprochait de vouloir reconstruire en style gothique le nouveau temple de l’humanité ; il préférait, disait-il, un style d’architecture nouveau et riant. Je lui fis remarquer que nous ne pourrions pas cependant supprimer la misère sociale ni les tristesses individuelles que, dans la