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Toutes ces relations et ces connexions réciproques deviendront encore plus intelligibles pour nous, si nous étudions, dans les pages suivantes, la conception de l’univers développée par deux hommes qui se distinguent par leurs connaissances philosophiques comme par la logique et la clarté de leurs pensées et qui ne se sont décidés résolument qu’à la maturité de l’âge en faveur d’une conception matérialiste de l’univers. On y trouvera peut-être en même temps un agréable complément de notre Histoire du matérialisme, l’un des deux systèmes, que je vais exposer, ayant fait sensation dans ces derniers temps, l’autre étant tiré d’une correspondance intime ; je veux parler des systèmes de Frédéric Ueberweg et de David Frédéric Strauss.

Le matérialisme n’est chez Ueberweg, comme chez Strauss, que le résultat final d’un long développement. Cela peut paraître surprenant, car le matérialisme représente naturellement la forme primitive, la forme la plus grossière de la philosophie ; en le prenant pour point de départ, on peut aisément passer au sensualisme et à l’idéalisme, tandis qu’aucun autre point de vue logique en soi ne peut, par simple agrandissement de la sphère d’expérience ou par une élaboration logique, être ramené au matérialisme. Et, en fait, telle n’a pas été non plus la marche du développement (chez Ueberweg et Strauss), bien que le darwinisme, comme nous le verrons bientôt, ait exercé sur tous deux une influence considérable et peut-être décisive. Ueberweg et Strauss, lorsqu’ils commencèrent à philosopher, se trouvaient bien plutôt, par l’effet de la tradition et de la direction de leurs études, placés sur un plan incliné ; leur pensée les avait transportés dans une conception du monde qui, objectivement, n’était pas soutenable et ne répondait ni à leurs dispositions ni à leurs penchants subjectifs. Leur marche successive fut donc essentiellement un processus de décomposition et une halte finale sur le terrain, en apparence solide, du matérialisme.