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grande masse des théologiens plus ou moins éclairés ne se sent pas atteinte du tout par ces attaques et jette un regard de dédain sur « l’ignorance » de pareils antagonistes. Les croyants se trouvent blessés des sarcasmes lancés contre ce qui est saint pour eux, et ils ferment l’oreille à toute critique, même là où, peut-être, sans de pareilles attaques, ils auraient été disposés eux-mêmes à critiquer. Sont gagnés seulement des esprits flottants, depuis longtemps éloignés de la foi et auxquels l’assurance des nouveaux apôtres impose ; confirmés et plus aigris qu’auparavant contre les croyants sont tous ceux qui d’ailleurs appartenaient déjà au parti du matérialisme et du rationalisme radical. Le résultat est une recrudescence des oppositions qui déchirent notre société, une difficulté nouvelle apportée à la solution pacifique du problème de l’avenir.

Tout autre devrait être l’action d’une controverse qui mettrait sérieusement et énergiquement en question le maintien de la religion elle-même. Notre époque nous autorise amplement à répéter avec Lucrèce : Tantum relligio potuit suadere malorum !, et ce ne serait pas peine perdue que d’examiner une fois pour toutes, avec plus d’attention, les rapports qui existent entre les fruits et les racines de l’arbre. Si des théologiens pleins d’ardeur et de piété, tels que Richard Rothe (13), en viennent déjà à l’idée que l’Église doit insensiblement se fondre dans l’État, les libres penseurs feraient bien de soumettre, eux aussi, à une critique sévère le dualisme qu’introduit dans la vie de l’individu la séparation de la communauté politique et de la société religieuse, au lieu de transporter aveuglément les formes vieillies sur un contenu complètement étranger. Nous avons, depuis peu, une secte, parmi les « communautés libres », qui a rejeté jusqu’au dernier des anciens articles de foi, et qui considère comme un progrès nouveau de supprimer le cérémonial et les solennités accompagnant l’accomplissement de certains actes relatifs aux rapports de l’individu avec sa communauté