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réellement cesse de croire aux anciens dieux, quand elles se virent pressées d’adopter la nouvelle religion ? L’histoire nous montre un processus tout autre que celui d’un rationalisme croissant : la décomposition sociale universelle, la lutte et la détresse dans toutes les couches de’Ia population, une douleur générale et une indicible aspiration vers un salut, qui ne serait pas de ce monde, telles sont les véritables causes de la grande révolution. Le rationalisme aurait très-bien pu se rattacher à Jupiter et à l’Olympe ; il aurait eu ainsi une tâche plus facile que nos théologiens réformateurs actuels, qui s’efforcent de transformer le christianisme en une pure religion de la raison.

« Pourquoi, demande Lang, la réforme a-t-elle fait tomber avec ses saints le ciel catholique qui a cédé la place à un ciel bien plus incolore, bien plus antipoétique ? » De nouveau la réponse se trouvera dans un progrès de la connaissance. Mais, demanderons-nous à notre tour, pourquoi ce ciel catholique n’est-il pas tombé chez des nations aussi éclairées que le sont les Français et les Italiens ? L’Allemagne a-t-elle réalisé la réforme parce qu’elle était en avant des autres nations sous le rapport de la connaissance scientifique, ou a-t-elle pu, avec le temps, dépasser en connaissance les autres nations, parce qu’elle avait brisé, pour des motifs bien différents, le joug de la hiérarchie et de l’unité absolue de la foi ? Si enfin l’on demande pourquoi le monde protestant s’éloigne de plus en plus de l’orthodoxie, et si l’on trouve la réponse dans l’influence des découvertes scientifiques, nous sommes, par contre, obligés de faire remarquer que précisément ces découvertes sont dans le conflit le plus tranché avec ce que les théologiens réformateurs veulent encore conserver de l’inventaire du christianisme, tandis qu’ils se montrent bien plus indifférents pour d’autres doctrines, comme par exemple pour la mort volontaire du Fils de Dieu se sacrifiant au salut du genre humain. Elle est bien étroite, bien menacée par les flots, la langue de terre sur laquelle