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quelques caractères despotiques, — ce qui fut certes le cas à l’époque de la réforme, — si elle peut contribuer à faire reposer ces idées sur le fond même de toute notre culture et non pas simplement à ne leur donner que l’appui superficiel de la controverse ecclésiastique, alors son travail sera le bienvenu ; seulement nous n’avons plus du tout besoin de les regarder naïvement comme des vérités.

Un représentant de la théologie réformée progressive, le sympathique et éloquent pasteur Lang, a, dans son Essai d’une dogmatique chrétienne (12), attaqué notre point de vue en affirmant que les religions tombent toujours « quand on n’y croit plus », tandis que les poésies, quand elles nous satisfont sous le rapport esthétique, conservent leur valeur. On pourrait en dire à peu près autant de la spéculation métaphysique, qui jusqu’ici avait aussi l’habitude de se poser comme vérité absolue, et dont les disciples formaient un cercle de croyants. Et cependant c’est à peine si les systèmes les plus importants ont trouvé chacun un adhérent absolu, et lorsque néanmoins ce cas se présente, comme dans l’école de Herbart, il atteste une certaine pauvreté et une sorte de roideur de toute la sphère des idées où les esprits se meuvent. Combien y a-t-il eu de kantiens orthodoxes ? Parmi les fortes têtes qui ont le plus contribué au renom du système et qui ont le plus travaillé à répandre son influence, à peine citerait-on un seul nom. Le système de Hegel n’a-t-il pas agi bien au delà du cercle des croyants et n’a-t-il pas produit ses meilleurs fruits là seulement où on l’a manié en pleine liberté ? Que dirons-nous enfin de Platon, dont la poésie des idées, après plus de deux mille ans, exerce encore aujourd’hui sa puissante influence, tandis que, parmi ses successeurs immédiats, personne peut-être ne croyait que ses déductions fussent aussi rigoureuses qu’elles prétendaient l’être ?

Aux religions maintenant ! Les stoïciens n’ont-ils pas, dans l’antiquité, traité, pendant des siècles, les croyances popu-