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où l’on tient compte du trésor durable des connaissances humaines. Dans les relations de la science, nous avons des fragments de vérité, qui se multiplient sans cesse, mais qui n’en restent pas moins des fragments ; dans les idées de la philosophie et de la religion, nous avons une image de la vérité, qui la représente tout entière à nos yeux, mais qui reste toujours simple image, variant, dans sa forme, avec le point de vue de nos conceptions.

Mais où en est donc maintenant la religion rationnelle ? Les rationalistes, Kant ou les communautés libres de notre époque, n’ont-ils pas réussi à établir une religion qui enseigne, dans le sens le plus rigoureux du mot, la vérité pure, et qui, débarrassée de toutes les scories de la superstition ou, comme dit Kant, de la stupidité de la superstition et de la folie des rêveries fanatiques, ne tient compte que du but moral de la religion ?

La réponse à cette question, si l’on veut prendre vérité dans le sens ordinaire et non figuré du mot, est un non formel ; il n’y a pas de religion rationnelle sans dogmes, qui ne sont susceptibles d’aucune démonstration. Mais si, avec Kant, on entend par raison la faculté de concevoir des idées et si l’on se contente de mettre la sanction morale à la place de la démonstration, tout ce qui est sanctionné par la morale acquiert des droits égaux. On peut même se passer du minimum de Kant : Dieu, liberté et immortalité ; déjà les communautés libres ont jeté tout cela par-dessus bord ; on peut aussi se passer des principes que ces communautés ont posés.

On peut, au fond, se passer de toutes ces doctrines, à moins que l’on ne prouve, d’après les qualités générales de l’homme ou un autre argument quelconque, qu’une société dépourvue de ces doctrines doit nécessairement tomber dans l’immoralité. Mais s’il s’agit d’une société déterminée, celle des Allemands par exemple, dans leur état actuel, alors il est très-possible que le faisceau de notions le plus précieux