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considérables à des prix très-peu élevés. Mais dès que les plus mauvaises passions sont calmées, que le sentiment de l’intérêt général et le règne des lois ont repris leur œuvre, l’effet des relations précitées recommence à se faire sentir et se développe comme l’ivraie au milieu des blés.

La population augmente, le sol cultivable commence à manquer ; la rente foncière monte, le prix du travail baisse ; la différence entre la condition du propriétaire et celle du fermier, du fermier et celle du journalier grandit toujours. Maintenant l’industrie, qui entre dans sa floraison, offre au travailleur un salaire plus élevé ; mais les bras affluent tellement à l’industriel que le même jeu se renouvelle ici. Le seul facteur, qui arrête à présent l’accroissement de la population est la misère et le seul moyen d’échapper à la misère extrême est d’accepter du travail à tout prix. L’heureux entrepreneur acquiert d’immenses richesses ; quant au travailleur, il obtient à peine de quoi soutenir sa misérable existence. Jusque-là tout marche sans que la dogmatique de l’égoïsme ait à intervenir.

En ce moment la misère du prolétariat effraye les cœurs compatissants ; mais de la situation actuelle il est impossible de revenir à l’antique simplicité des mœurs. Peu à peu les riches se sont habitués aux jouissances variées et raffinées de l’existence l’art et la science se sont épanouis, le travail servile des prolétaires procure à bien des têtes intelligentes les loisirs et les moyens de se livrer à des recherches, à des inventions, à des créations. On regarde comme un devoir de conserver ces biens précieux de l’humanité et l’on se console volontiers par la pensée qu’un jour ils seront la propriété commune de tous. Cependant l’accroissement rapide des richesses fait participer à ces jouissances bien des individus dont le cœur est brutal à l’Intérieur. D’autres dégénèrent sous le point de vue moral ils perdent toute attention, toute sympathie pour ce qui se trouve en dehors du cercle de leurs plaisirs. Les vives formes de la compassion pour la souffrance