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petite, mais s’il est salutaire et opportun de la rendre relatiment plus grande ou plus petite.

Ce dernier point notamment résume toute la question de savoir si l’égoïsme peut être le principe moral de l’avenir. Il est certain qu’après comme avant, il jouera effectivement un grand rôle. Cependant, d’après nos explications, on pourrait être non moins assuré que, si l’individualisme continue à se développer, il en résultera probablement non un nouvel essor, mais la décadence de notre culture. Toutes les fois qu’en histoire se montre un progrès positif, nous voyons toujours le principe opposé à l’égoïsme redoubler d’activité, tandis que l’individualisme, en grandissant, ne travaille qu’à la décomposition des formes devenues inutiles. Aussi, même pour l’époque actuelle, le véritable courant du progrès sera-t-il dirigé dans le sens du dévouement au bien général. Il existe un principe naturel, nous’dirions presque physique, pour éliminer peu à peu l’égoïsme, c’est de se complaire à l’ordonnance harmonieuse du monde des phénomènes et avant tout aux intérêts généraux de l’humanité. Ce qu’Adam Smith voulait avec sa sympathie, Feuerbach avec sa théorie de l’amour, Comte avec le principe du travail pour le prochain, ce ne sont là que des phases isolées de la prépondérance, qui se forme avec le progrès de la culture, des représentations d’objet appartenant à notre être sur l’image d’un moi doué de sensibilité pour le plaisir et la douleur. La conscience de l’ordre qui règle le cours des événements fait perdre leur vivacité aux alternances de plaisir et de douleur et modère les désirs ; d’autre part, quand on agrandit sa connaissance du monde extérieur et que l’on comprend mieux les autres, cette prépondérance du sens des intérêts généraux se manifeste nécessairement et produit ses conséquences natui elles. Même un écrivain aussi porté au scepticisme que J. S. Mill se rapproche de Comte en faisant de cette conception le fondement de son système moral ; seulement, dans son « utilitarisme », il méconnaît l’élément idéal,