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de la réflexion qu’il peut de nouveau alimenter l’égoïsme.

Bien plus important est le développement moral par l’étude approfondie du monde humain, de ses phénomènes et de ses problèmes. L’absorption dans cet objet, tel qu’il se manifeste à nous aussi par les sens, comme portion de notre propre essence, est le germe naturel de tout ce qui, en morale, est impérissable et mérite d’être conserve. Adam Smith en avait peut-être le pressentiment lorsqu’il fonda la morale sur la sympathie ; mais il comprit la question sous un point de vue beaucoup trop étroit. Il n’envisagea au fond que les cas dans lesquels nous expliquons les gestes et mouvements des autres hommes par les souvenirs ou images de la douleur et du plaisir, d’après ce que nous avons éprouve en nous-mêmes. Mais c’est ici revenir secrètement à des motifs égoïstes, qui ne coopèrent et n’aident que secondairement, tandis que la translation silencieuse et continuelle de notre conscience sur l’objet de ce monde humain de phénomènes constitue la véritable source de l’ennoblissement moral, et élimine la prédominance de l’égoïsme.

D’après ces indications, le lecteur pourra lui-même s’expliquer comment ce même progrès de la culture qui, a des époques de maturité, produit l’art et la science, sert aussi à dompter l’égoïsme, à développer les sympathies humaines et à faire triompher les tendances vers un but commun. En un mot, il existe un progrès moral naturel.

Buckle, dans son célèbre ouvrage sur l’Histoire de la civilisation en Angleterre, a adopté un point de vue faux pour prouver que le progrès réel des mœurs, ainsi que de la culture en général, dépend essentiellement du progrès intellectuel. Si l’on montre que certains principes simples de morale n’ont pas subi de modifications essentielles depuis l’époque de la rédaction des Védas hindous jusqu’à nos jours, on peut aussi prouver que les simples éléments de la logique sont restés pareillement invariables. On pourrait même affirmer que les règles fondamentales de la connaissance sont