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l’élément matériel, dans la vision, en un concours de deux sensations d’images planes. On rend vraisemblable pour nous le fait que même la sensation de chaleur et la sensation de pression dans l’organe du tact sont des sensations complexes, qui ne se distinguent que par le groupement des éléments sensoriels. Nous apprenons que la sensation des couleurs, les représentations de la grandeur et du mouvement d’un objet et même l’apparence de simples lignes droites ne sont pas déterminées d’une manière constante par l’objet donné, mais que le rapport des sensations les unes avec les autres détermine la qualité spéciale de chacune d’elles ; bien plus, que l’expérience et l’habitude influent non-seulement sur l’explication des impressions sensorielles, mais encore sur le phénomène immédiat lui-même. Les faits s’accumulent de toutes parts et la conclusion inductive devient inévitable, que nos sensations en apparence les plus simples sont non-seulement déterminées par un phénomène naturel, qui, en soi, est tout autre chose que la sensation, mais constituent aussi elles-mêmes des produits complexes à l’infini ; que leur qualité n’est nullement déterminée par l’excitation extérieure et la structure fixe de l’organe, mais par la réunion de toutes les sensations qui affluent vers nous. Nous voyons même comment, par l’attention concentrée, une sensation peut être complètement refoulée par une autre sensation disparate (59).

Considérons maintenant ce qui reste encore debout du matérialisme !

L’antique matérialisme, avec sa foi naïve au monde des sens, a disparu ; la conception matérialiste, que le XVIIIe siècle s’était formée de la pensée, ne peut plus subsister. Si, pour chaque sensation déterminée, doit vibrer dans le cerveau une fibre déterminée, la relativité et la solidarité des sensations, leur résolution en effets élémentaires inconnus, ne peuvent plus exister ; à plus forte raison ne pourra-t-on pas localiser la pensée. Mais ce qui peut très-