adoptaient vivement l’idée de l’unité de la création et essayaient de faire en général provenir les formes supérieures du développement des inférieures, ce fut notamment Cuvier, le plus fin connaisseur du détail des choses, qui s’opposa à ces tendances unitaires. Il redoutait le panthéisme. Gœthe représentait justement de la façon la plus parfaite cette philosophie unitaire et panthéiste ; déjà auparavant il s’était trouvé en désaccord avec Camper et Blumenbach à propos de l’os wormien qui, dit-on, différencie l’homme du singe, et jusqu’à sa mort, il suivit, avec la plus grande attention, la polémique sur l’unité de tous les organismes. C’est ainsi qu’il nous fait connaître un propos malveillant de Cuvier Je sais bien que, pour certains esprits, derrière cette théorie des analogues, peut se cacher, du moins confusément, une autre théorie très-ancienne, depuis longtemps réfutée, mais reprise par quelques Allemands pour favoriser le système panthéiste, qu’ils appellent philosophie de la nature. » (2). — Ce dédain du savoir positif envers l’intelligence compréhensive de l’ensemble, la passion de l’observateur qui analyse contre le penseur qui synthétise, aveuglèrent Cuvier au point de lui faire méconnaître quelle différence profonde la logique commande d’établir entre l’absence d’une preuve et une preuve de l’absence d’un phénomène. On ne connaissait pas d’hommes fossiles, et il déclara solennellement qu’il ne pouvait pas y en avoir.
Une pareille déclaration étonne d’autant plus que généralement une négation, en histoire naturelle, n’a qu’une valeur secondaire ; comme on n’avait encore, à cette époque-là, exploré qu’une très-petite portion de la surface de la terre, il eût été difficile d’expliquer une affirmation aussi générale, si elle ne s’était trouvée d’accord avec la théorie dominante des créations successives. Or les créations successives étaient une libre interprétation du récit biblique concernant les jours de la création, interprétation qui conserve encore beaucoup de partisans, même aujourd’hui