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et par endiguer, à t’aide de quelques expériences et observations, le large fleuve des opinions.

La première question que nous rencontrons est encore aujourd’hui l’objet d’une ardente polémique ; c’est la question de la génération spontanée (generatio æquivoca). Carl Vogt, dans un compte rendu drolatique, nous a raconté comment à Paris la lutte scientifique entre Pasteur et ses adversaires coalisés, Pouchet, Joly et Musset, est soutenue avec l’acharnement habituel aux théologiens et avec une mise en scène qui rappelle les nominations de maîtres ès arts du XVe siècle. Du côté de Pasteur sont rangés l’Académie et tes ultramontains. Contester la possibilité de la génération spontanée, c’est faire acte de conservatisme. Les vieilles autorités de la science ont toujours été unanimes sur ce point il faut absolument un œuf ou une semence pour la formation d’un être organique. Omne vivum ex ovo est un article de foi scientifique. Mais pourquoi les orthodoxes sont-ils rangés de ce côté ? Est-ce peut-être uniquement pour laisser là, sans y toucher, ce qui reste absolument inexpliqué, pour s’en tenir a l’idée d’une création purement mystique et.faire opposition à l’intellect et aux sens ? — L’ancienne orthodoxie, s’inspirant de saint Augustin, se plaçait a un tout autre point de vue ; elle prenait en quelque sorte un moyen terme. On ne dédaignait nullement de se rendre compte des choses avec toute la netteté possible. Saint Augustin enseignait que, depuis !c commencement du monde, les êtres vivants naissaient de deux espèces de semences la visible que le Créateur a mise dans les animaux et les plantes, afin qu’ils se reproduisent, chacun dans son espèce ; l’invisible, cachée dans tous les éléments et n’agissant que dans certaines conditions de mélange et de température. De cette semence, cachée dès l’origine dans les éléments, naissent quantité de plantes et d’animaux, sans aucun concours d’organismes complets.

Cette théorie serait très-avantageuse pour l’orthodoxie ;